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La Suisse refuse de suspendre le renvoi de migrants vers la Croatie

Arrivée de réfugiés au camp d'Opatovac, en Croatie, en septembre 2015 (image d'illustration). [Reuters - Antonio Bronic]
La Suisse refuse de suspendre le renvoi de migrants vers la Croatie / La Matinale / 1 min. / le 20 octobre 2022
L’association romande Droit de rester a appelé mercredi la Confédération à suspendre immédiatement le renvoi de migrants vers la Croatie, en raison des violences dont ils sont victimes. Mais le Secrétariat d'Etat aux Migrations (SEM) ne prévoit pas de changer sa pratique.

Témoignages à l’appui, Droit de rester dénonce les violences policières dont sont victimes les demandeuses et demandeurs d'asile en Croatie. Il s'agit de femmes et d'hommes seuls mais aussi des familles, originaires du Burundi, d'Afghanistan ou encore de Somalie. Ils ont emprunté la route des Balkans et, arrivés en Croatie, ont vécu le pire avant de poursuivre leur route et d'arriver en Suisse.

"On nous a traité comme des animaux"

Invités par l’association mercredi à Neuchâtel, plusieurs migrants ont accepté de témoigner anonymement. "J’ai quitté le Burundi à la suite de persécutions pour des motifs politiques", a ainsi raconté l'un d'entre eux au micro de la RTS. "En arrivant en Croatie, c’était terrible".

"On nous a traités comme des animaux", a ajouté le jeune homme. "Les policiers croates m’ont frappé jusqu’à ce que je perde toutes sensations". Le requérant assure avoir également été victime de racisme de la part des forces de l’ordre et de citoyens croates: "Je n’ai pas déposé de demande d’asile là-bas. Les policiers m’ont forcé à donner mes empreintes digitales, on avait peur qu’ils nous fassent mal et donc on a fait ce qu’ils nous demandaient".

>> Ecouter le témoignage dans La Matinale :

Des migrants ont témoigné anonymement des conditions vécues en Croatie. [Reuters - Dado Ruvic]Reuters - Dado Ruvic
Renvois de migrants vers la Croatie: témoignage d'un jeune Burundais / La Matinale / 55 sec. / le 20 octobre 2022

"Pas de soins médicaux pour mon bébé"

Une jeune mère somalienne évoque une expérience similaire. Elle a marché des semaines entières de la Turquie vers la Suisse, en passant par la Croatie.

"Ma fille âgée de quelques mois avait des problèmes respiratoires en arrivant en Croatie", raconte-t-elle. "Au lieu de nous accompagner à l’hôpital, les policiers nous ont conduit au poste pour y prendre nos empreintes digitales et signer des papiers. Si nous ne le faisions pas, ils nous menaçaient d’emprisonnement".

Et sa fille n’a pas reçu plus de soins médicaux dans le camp où elles ont été emmenées. "Il n’y avait pas de lait, pas de couches", poursuit-elle. "Les lits étaient infestés de puces. Rester dans ce camp aurait conduit à la mort de mon bébé. J’ai donc fui la Croatie".

Plusieurs migrants affirment aussi avoir été victimes de "pushbacks", ces refoulements violents effectués par la police croate vers la frontière slovène ou vers celle de la Bosnie.

Pour l’association Droit de rester, le Secrétariat d'Etat aux Migrations doit en conséquence suspendre immédiatement tout renvoi vers la Croatie.

Pas de faille générale en Croatie selon le SEM

Face à ces allégations et critiques, celui-ci reconnaît tout au plus certains problèmes aux frontières de la Croatie. Mais il n'y a rien de systématique, assure-t-il.

"Selon les constatations du SEM, il n'y a pas de lien entre les transferts effectués dans le cadre de l'accord d'association de Dublin et les pushbacks dans certains secteurs de la frontière extérieure de l'Union européenne, a indiqué un porte-parole du Secrétariat à la RTS.

"Tant le SEM que la jurisprudence partent du principe que le système d'asile croate ne présente pas de faiblesses systémiques", a-t-il précisé. "Cette appréciation s'appuie sur différentes sources, des organisations gouvernementales et non gouvernementales, mais aussi des organisations internationales aussi comme le Haut-Commissariat pour les Réfugiés des Nations unies (UNHCR). Une suspension des transferts vers la Croatie n'est donc pas indiquée pour l'instant".

>> L'interview de Reto Kormann (SEM) dans La Matinale :

Le siège du Secrétariat d'Etat aux Migrations (SEM) à Wabern (BE). [Google Street View]Google Street View
Renvois de migrants vers la Croatie: interview de Reto Kormann (SEM) / La Matinale / 1 min. / le 20 octobre 2022

Tous les requérants d’asile enregistrés en Croatie doivent en principe y être renvoyés, selon le règlement de Dublin. En l’état, le seul pays européen vers lequel le SEM ne renvoie plus de migrants est la Hongrie.

Marc Menichini/oang

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