De nombreux trains CFF avaient dus être supprimés l'an dernier dans l'Arc lémanique par manque de pilotes de locomotive. Mais aujourd'hui, la pénurie ne semble plus qu'un mauvais souvenir: les candidates et candidats se bousculent au portillon.
A 46 ans, Raphaël Favre a choisi de changer de voie après vingt ans d'une carrière de chanteur professionnel brutalement freinée par la pandémie de Covid-19. Il a laissé de côté les envolées lyriques au profit du chant monotone des annonces déclenchées par les signaux ferroviaires le long de la ligne.
"Je ne vois pas le temps passer"
"On doit être concentré sur toutes les procédures à faire", souligne-t-il dimanche dans le 19h30 de la RTS. "A n'importe quel moment, il peut se passer un événement sur lequel on va pouvoir réagir".
Et l'aspirant adore sa nouvelle vie: "Je ne vois pas le temps passer. Quand je conduis, j'oublie tout ce qui se passe à l'extérieur", se réjouit Raphaël Favre. "Le ferroviaire est quelque chose qui a toujours été dans ma vie, qui m'a toujours fasciné".
Des candidats d'horizons très différents
Vincent Becker a fait lui aussi le choix de tout plaquer pour piloter une locomotive. A 35 ans, il a laissé son passé de mécanicien dentiste et de manager dans la vente d'articles de sports.
Et il n’est pas le seul à se reconvertir. "On a eu des vignerons, on a des ingénieurs, des électriciens", énumère-t-il. "C'est assez impressionnant qu'on soit tous dans le même train".
La compagnie ferroviaire n'a pas lésiné sur les moyens pour susciter ces vocations tardives. Et elle recrute des personnes ultra-motivées, prêtes à supporter les contraintes du métier comme les horaires irréguliers, de nuit ou très tôt le matin.
"Il faut jongler entre la vie professionnelle et la vie privée. Donc ce sont des profils qui arrivent après mûre réflexion pour s'engager aux CFF", souligne le porte-parole romand Frédéric Revaz.
Le syndicat un peu moins optimiste
Ce sont autant de forces vives qui doivent permettre aux chemins de fer fédéraux de ne pas revivre la pénurie de l'an dernier. Le Syndicat du personnel des transports (SEV), qui défend les pilotes, reconnaît des améliorations mais estime cependant que tout n'est pas encore rentré dans l'ordre.
"Chaque jour, ils cherchent du personnel", note la présidente du personnel de locomotives au SEV Hanny Weissmüller. "Cela s'est légèrement détendu parce qu'il n'y a plus de suppression de trains", reconnaît-elle. "Par contre, il n'y a toujours pas la possibilité de prendre congé, reprendre ses heures. C'est toujours un problème".
Nette progression des formations
Mais les CFF se disent confiants, grâce aux efforts de recrutement. "Auparavant, on formait environ 120 mécaniciens par année", rappelle Frédéric Revaz. "Mais au cours des quatre dernières années, on en a formé plus de 200, pour culminer à 270 cette année (…) On va arriver dans une situation un peu plus stable".
Et si la compagnie forme plus de mécaniciens, il n'est pas question de brader les exigences. "Il y a des examens tout au long de la formation", précise l'instructeur Clément Roueche. "On ne lâche rien parce qu'au final, la personne qui prend le train doit le prendre en toute sécurité".
Gabriel de Weck/oang