C'est en 1982 que la Télévision suisse romande lance Signes, sa première émission destinée aux personnes sourdes et malentendantes. A l'époque, c'est une petite révolution. Avant la TSR, seuls deux autres programmes de ce type existaient en Europe, celui de la BBC au Royaume-Uni et celui de la DRS, la télévision alémanique.
À sa création, le programme propose des informations à destination des sourds et des reportages sur leur vie quotidienne. Elle comble ainsi le déficit d'information dû à l'absence de sous-titrage.
Histoire mouvementée
Ce type d'émission est aussi le résultat d'un combat de longue haleine pour une communauté qui sort d’un siècle de bannissement de la langue des signes. En 1890, Le Congrès de la Fédération Mondiale des Sourds (ICED), réuni à Milan, avait en effet décrété l'interdiction de cette langue à l'école.
Selon ses délégués, les enfants sourds doivent apprendre à oraliser afin de pouvoir s'intégrer dans la société. Trois raisons sont invoquées: la langue des signes "ne serait pas une vraie langue", elle "ne permettrait pas de parler de Dieu" et elle "empêcherait de bien respirer et favoriserait la tuberculose". Elle est toutefois pratiquée clandestinement au sein des associations de sourds.
L’enseignement de la langue des sourds est à nouveau permis par l'ICED en 1971. Et dès les années 80, un "réveil sourd" a lieu, notamment grâce aux efforts de Jean Grémion, un écrivain, journaliste et metteur en scène français, et d'Alfredo Corrado, un artiste sourd américain, qui créent l'International Visual Theater au Château de Vincennes.
La langue des signes retrouve petit à petit ses lettres de noblesse. La communauté s’organise pour revendiquer des droits, une égalité et une plus grande visibilité de la culture sourde à la vie comme à l’écran.
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Une évolution constante
En 40 ans, l’émission Signes a évolué au fur et à mesure que la langue se diffuse, notamment grâce à l’arrivée d’internet. Les interprètes sont introduits lors des allocutions officielles et le journal signé fait son apparition en 2008. "Les premières émissions étaient en français signé, du français parlé mélangé avec des signes. Puis la langue des signes a pris le dessus et est devenue une langue vivante. Il y a des accents, des patois, des jeunes qui utilisent de l’argot... Exactement le même mécanisme qu’une langue parlée", détaille Stéphane Brasey, producteur de l’émission.
Comme pour le langage oral, il existe autant de langues des signes que de communautés différentes de sourds, chaque langue des signes ayant sa propre histoire et son propre lexique.
Un cursus universitaire
La communauté sourde réunit 10'000 personnes en Suisse, ainsi que plus d’un million de malentendants. Pour pallier le manque d'interprètes, plusieurs formations ont vu le jour en Suisse romande. La faculté de traduction et d'interprétation de l'Université de Genève a mis sur pied l'année dernière un bachelor en langue des signes, qui a pour but de faire le pont entre les entendants et le monde des sourds.
Elle a aussi lancé cet automne une formation continue en traduction à destination des sourds. Le cursus permettra d’apprendre leur métier dans leur langue maternelle et met en lumière l’importance croissante de la traduction dans les langues minoritaires.
Sujet TV: Philéas Authier
Adaptation web: saje