Que ce soit dans les hôpitaux universitaires romands ou dans le milieu ambulatoire, le constat est le même: les jeunes semblent toujours plus nombreux à souffrir de troubles psychiques. La pandémie de Covid-19 et la crise climatique, avec toutes les angoisses que cela engendre, peuvent en expliquer les raisons. Mais seulement en partie, explique Philip Jaffé, professeur au Centre interfacultaire en droits de l'enfant de l’Université de Genève et membre du comité des droits de l'enfant à l'ONU.
"Il y a surtout une évolution sociale claire qui semble indiquer que les jeunes souffrent dans un plus grand pourcentage de différents troubles mentaux car ils y sont plus sensibles", souligne-t-il jeudi dans La Matinale. Avant d'ajouter: "Et il y a aussi une augmentation de l'offre avec beaucoup de psychologues et psychiatres qui s'installent et défrichent de nouveaux terrains de pratique."
De plus en plus de jeunes sous médication
En conséquence, en cinq ans, la quantité d'antidépresseurs consommée par les mineurs a quasiment doublé. Une nette progression observée également pour les anxiolytiques chez les jeunes adultes et les antipsychotiques chez les pré-ados et les jeunes femmes.
Mais si la médication peut, dans certains cas, être indiquée, les sons de cloche diffèrent. Les unités dédiées du CHUV et des HUG qui traitent des situations urgentes reçoivent surtout des jeunes déjà sous médication. Toutefois, leurs patients sont de plus en plus jeunes, remarquent-ils, parfois même âgés de moins de 13 ans. En ambulatoire, certains professionnels estiment que leurs confrères devraient faire preuve de plus de retenue.
Quoi qu'il en soit, la présidente des psychiatres-psychothérapeutes de Genève Sandrine Ghilardi rappelle que chaque prescription doit être mûrement réfléchie.
"Je ne pense pas qu'on surmédique dans le sens où les règles de prescription sont basées sur des normes précises", insiste-t-elle. Sans compter que la médication demande un suivi très régulier, notamment au début de la prise d'antidépresseurs. "On sait qu'il y a une phase transitoire où il peut y avoir une péjoration, surtout sur le risque suicidaire. Donc c'est une nécessité d'avoir un suivi très régulier. Par conséquent, on ne peut pas prescrire une médication à la légère."
Temps d'attente très longs
Autre point de consensus: les demandes de consultations et de psychothérapies ne cessent d'augmenter. Les temps d'attente pour une prise en charge sont ainsi très longs, le secteur est à flux tendu et les cantons ne sont pas égaux face à la demande.
"Honnêtement, à Genève, nous sommes complètement débordés au niveau des pédopsychiatres", déplore encore Sandrine Ghilardi. "On est d'ailleurs très surpris que, depuis de la clause du besoin, il n'y a pas une spécificité pour les médecins de premier recours et les pédopsychiatres, comme c'est le cas dans le canton de Vaud. A Genève, malheureusement, depuis le 1er octobre, aucun pédopsychiatre ne peut s'installer. On est en souci et on a constamment le sentiment de ne pas être assez nombreux. C'est vrai qu'il y a des psychologues qui ont pu s'installer, mais il y a des situations où la psychothérapie seule ne suffit pas. Il faut un suivi assez coordonné avec la personne qui prescrit. Les pédiatres attendent qu'on les accompagne et on les aide."
Les médecins de famille pourraient être une piste, puisqu'ils prescrivent la moitié des antidépresseurs et anxiolytiques. Quant à Genève, des exceptions à la clause du besoin sont possibles mais le département de la santé craint un appel d'air et ne veut pas tout miser sur les spécialistes. Et il rappelle que le canton compte le plus de pédopsychiatres par habitant, juste devant les cantons de Vaud, Zurich et Berne.
Charlotte Frossard/fgn
Que faire si un jeune a besoin d’aide?
En cas de difficulté à obtenir une consultation chez un spécialiste, il est recommandé de s’adresser à son pédiatre ou à son médecin de famille.
En cas d’inquiétude vis-à-vis de la prescription de médicaments, il peut être utile de demander un deuxième avis et, dans tous les cas, d’avoir une bonne discussion avec le soignant. A noter que les jeunes peuvent demander d’avoir une certaine confidentialité entre eux et leur médecin.
Il existe aussi des numéros d’aide gratuits, disponibles 24h/24 et 7j/7 :
147 : ligne d’aide Jeunes
143 : ligne d’aide Adultes
Pour trouver de l’aide dans votre région, consultez la page de l’association Stop Suicide : https://stopsuicide.ch/besoindaide
En cas d’urgence médicale, composez le 144.