Une toux qui siffle et une fièvre qui ne descend pas. Ce sont les symptômes qui ont alerté les parents du petit Eliott, 10 mois. La pédiatre diagnostique une bronchiolite, mais malgré les traitements, la fièvre reste. Eliott mange peu et reste peu éveillé. Ses parents l'amènent aux urgences. Face à la saturation en oxygène qui reste basse malgré le Ventolin, la décision est prise de l'hospitaliser pour lui administrer de l'oxygène.
"La pédiatre était rassurante", explique Marie, sa maman. "Elle nous a expliqué que ça arrivait souvent. Mais je n'imaginais pas que l'oxygène, c'était les petits tubes dans le nez. C'était impressionnant, on a l'impression que c'est très grave. Après, on prend l'habitude."
Faute de lit disponible, Eliott est hospitalisé dans l'unité de chirurgie pédiatrique pour deux jours. Il restera au total 10 jours à l'hôpital, le temps que le taux d'oxygène dans le sang se stabilise. Aujourd'hui, il est en pleine forme.
De très jeunes patients
Les témoignages comme celui d'Eliott sont fréquents en ce moment en Suisse. Difficile toutefois d'avoir une vue d'ensemble à l'échelle nationale, car la bronchiolite n'est pas une maladie surveillée par l'OFSP. Contactés par la RTS, les hôpitaux romands témoignent d'une épidémie qui ne ressemble pas à celles de ces dernières années.
"Nous avons toujours eu des bronchiolites en cette saison, mais autant d'hospitalisations en même temps, ce n'est pas fréquent", décrit Juan Llor, chef du service de pédiatrie de l'hôpital de Sion. "En ce moment, nous avons régulièrement un tiers des patients hospitalisés en pédiatrie qui sont des enfants avec une bronchiolite à virus respiratoire syncitial."
Il ajoute que plusieurs enfants sont sévèrement symptomatiques et nécessitent une aide respiratoire sous forme de ventilation non invasive, voire un transfert aux soins intensifs. Même constat au CHUV, où la moitié des patients hospitalisés pour bronchiolite se trouvent aux soins intermédiaires ou intensifs.
Le chef du service pédiatrique de l'hôpital vaudois François Angoulvant relève une autre nouveauté concernant l'âge des patients: "Nous avons beaucoup de très jeunes nourrissons, des nouveau-nés de moins d'un mois. Cela veut dire que les enfants ont été contaminés par un membre de leur famille ou des gens très proches." Il conseille donc de limiter au maximum les visites pour les enfants de moins de trois mois.
Vague précoce
Autre constat: la bronchiolite est arrivée plus tôt. Habituellement, l'épidémie se déroule principalement en décembre en Suisse romande. Cette année, le nombre de cas augmente rapidement depuis quelques semaines déjà.
Plusieurs hypothèses tentent d'expliquer cette nouvelle saisonnalité. La plus entendue est celle de la "dette immunitaire": nous aurions été moins exposés aux virus en raison des mesures barrières contre le Covid. Notre système immunitaire aurait pu donc moins préparer sa défense. Cette théorie est toutefois controversée. Plusieurs immunologistes soulignent qu'elle ne repose sur aucune preuve scientifique.
Autre piste: le Covid aurait brouillé notre système immunitaire. Après avoir été infecté par le coronavirus, nous serions immunodéprimés, ce qui permettrait plus facilement à une maladie infectieuse de se développer.
Rajoutons encore que la bronchiolite peut être provoquée par plusieurs virus. Le plus commun est le virus respiratoire syncytial (VRS), mais le Covid et la grippe peuvent aussi provoquer la maladie.
Un poids de plus pour les hôpitaux
L'épidémie de bronchiolite actuelle met sous tension les hôpitaux. A l'heure actuelle, seul l'Hôpital du Jura semble être épargné en Suisse romande. Les autres établissements reconnaissent que la situation est tendue, notamment parce que les services pédiatriques étaient déjà à leurs limites à cause du manque de personnel et de lits.
"De plus, les bronchiolites entraînent une hospitalisation relativement longue cette année", explique Juan Llor de l'hôpital de Sion. "C'est de l'ordre de cinq à sept jours, voire dix. Auparavant, c'était réglé en trois jours. Cela peut être l'effet de l'âge des enfants hospitalisés."
Pour faire face, les hôpitaux doivent parfois demander aux soignantes et soignants de faire des heures supplémentaires ou recourir à des externes. "Tout en acceptant que la société tolère que des cadres médicaux travaillent jusqu'à 60 heures par semaine", déplore Bernard Laubscher, médecin chef du service de pédiatrie du Réseau hospitalier neuchâtelois.
Les hôpitaux contactés rassurent quand même: ils savent travailler sous tension et s'adapter. Comme dans le cas d'Eliott, on trouve parfois des lits dans d'autres unités pédiatriques. Les services pédiatriques se coordonnent entre les cantons pour organiser des transferts selon les besoins. S'il le faut, des opérations programmées sont mises sur pause.
Anouk Pernet
Que peuvent faire les parents ?
Les recommandations de François Angoulvant, chef du service de pédiatrie du CHUV :
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Limiter les visites au maximum pour les enfants de moins de 3 mois
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Se laver les mains régulièrement
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Porter un masque en présence du bébé si vous êtes malade