Selon l'association, qui a analysé une dizaine de cas juridiques et recueilli autant de témoignages de requérants homosexuels, bisexuels, trans ou queer, la Suisse serait plutôt mauvaise élève, selon cette association.
Le respect des droits des personnes LGBT+ qui demandent l’asile en Suisse n’est en effet pas garanti, selon la conclusion - sévère - de ce rapport romand, qui pointe les nombreux obstacles et discriminations rencontrés par ces requérants.
"Rentrer, c'est s'exposer à trop d'insécurité"
Interrogé mardi dans le 12h30, Eugène, arrivé de Crimée il y a deux ans après avoir subi des violences homophobes, témoigne de ces difficultés: le Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) a refusé sa demande d'asile, car l'homosexualité n'est pas pénalisée dans son pays.
Mais pour Eugène, rentrer, c'est s'exposer à trop d'insécurité. "En raison de l'homophobie, ce n'est pas possible de parler facilement du fait que je suis gay avec d'autres personnes, parce qu'il y a toujours un risque de violence. Et maintenant que la Crimée est contrôlée par la Russie, le Parlement russe veut changer les lois. Parler de l'homosexualité en positif est interdit, on peut juste en parler pour dire du négatif", confie-t-il.
Destins brisés
Le 12h45 a également recueilli le témoignage d'Aline*, originaire d’Ouganda. En 2004 et malgré son homosexualité, elle est mariée de force. Victime de violence et d’agressions répétées, elle fuit son pays en 2017, laissant ses deux enfants derrière elle.
"Ma vie était en danger, vraiment, parce que dans mon pays, quand tu es gay ou lesbienne, si les autorités l’apprennent et s’ils t’attrapent, tu es emprisonnée à vie", raconte-t-elle.
Arrivée en Suisse il y a cinq ans, Aline voit sa demande d’asile refusée. "Je n'ai pas compris pourquoi ils ne me croyaient pas, parce que j’avais tout pour démontrer que j’étais persécutée dans mon pays." Des incohérences dans son témoignage lui sont reprochées. Pire, son statut ne lui donne pas droit au regroupement familial.
"Pendant cette période, ma fille a été violée. C’était trop dur pour moi", souffle-t-elle. La jeune femme fait recours et obtient finalement gain de cause l’année dernière, après plus de quatre ans de procédure.
"Jurisprudence appliquée"
"Tout témoignage, tout ce que raconte une personne durant l’audition est véritablement fait pour la prendre au piège, pour la décrédibiliser", dénonce Megane Lederrey, coordinatrice de l'Observatoire romand de l’asile et des réfugiés. "On va utiliser n'importe quel petit détail, et surtout une vision stéréotypée de la situation, pour retirer tout le crédit de sa demande. Par exemple si une personne donne son orientation sexuelle plus tard au cours de la procédure, parce que c’est quelque chose de difficile à dire la première fois, elle pourra être remise en cause pour cela."
Un argument réfuté par le Secrétariat d’Etat aux migrations qui, contacté par la RTS, rappelle que "le SEM applique la même jurisprudence que la Cour de Justice européenne datant de 2013, à savoir qu’il ne suffit pas de provenir d’un pays qui criminalise les comportements homosexuels pour se voir automatiquement reconnaître la qualité de réfugié."
Persécutions en cas de renvoi
Les persécutions en cas de renvoi ne seraient souvent pas reconnues par le SEM, selon le rapport. Aussi, dans certaines décisions, il est écrit que la personne n’a qu’à vivre son orientation cachée en cas de retour, ce qui est contraire au droit international.
Autre point soulevé, l’absence de formation des professionnels. Préjugés et discriminations seraient courants parmi le personnel du Secrétariat d’Etat aux migrations, des tribunaux mais aussi les soignants et les interprètes.
Les associations qui ont collaboré au rapport - Asile LGBTIQ+ à Genève et Rainbow Spot dans le canton de Vaud - formulent des recommandations. Elles demandent d’assurer la protection internationale de ces personnes, d’assurer leur accès immédiat aux soins, notamment au traitement du VIH, et de former systématiquement le personnel de l'asile.
Mais aussi - plus difficile à réaliser dans le contexte migratoire actuel - d'offrir aux requérants LGBT+ un hébergement privé hors des Centres fédéraux d’asile, jugés pas suffisamment sécurisants.
Il est impossible de chiffrer le nombre de refoulements prononcés contre des personnes issues des minorités sexuelles. Le SEM ne tient aucune statistique en la matière, au nom du respect de la protection des données.
Sujet radio: Julie Rausis
Sujet TV: Yoan Rithner
Adaptation web: Katharina Kubicek
*prénom d'emprunt