Invité mardi de La Matinale de la RTS, Vincent Kaufmann rappelle d'emblée que ces débats autour de la voiture ne sont pas nouveaux. "Mais l'actualité politique fait qu'un certain nombre de projets sont en train de sortir maintenant ou sont débattus", souligne-t-il.
Le directeur du Laboratoire de sociologie urbaine de l'EPFL remarque tout de même que l'automobile est aujourd'hui au coeur d'un changement de perception. "Il y a encore une vingtaine d'années, c'était de façon un peu unilatérale un symbole de liberté, un objet désirable", dit-il. "Mais c'est de plus en plus devenu, pour pas mal de gens, une obligation, une contrainte, quelque chose avec lequel il faut faire parce qu'il n'y a parfois pas d'alternative."
Les luttes sont fortement marquées par un changement générationnel.
Et des luttes, politiques notamment, se cristallisent autour de ces enjeux. Elles sont fortement marquées aussi par un changement générationnel: "Les jeunes, les moins de 30 ans, ont une image très différente de l'automobile", constate Vincent Kaufmann.
Ce qui a changé aussi, "et c'est peut-être un élément dont on parle trop peu", souligne-t-il, "c'est que la pandémie (…) nous a fait goûter à une vie un peu apaisée, à l'absence de nuisances - notamment liées au trafic (…) Cela a un petit peu réveillé certaines oppositions".
Des questions techniques et politiques
Le législatif de la commune de Lausanne va débattre mardi soir d'une possible extension du 30 km/h à l'ensemble de la journée. L'an dernier à Zurich, plus de 60% de la population a voté pour la généralisation du 30 km/h. Mais aujourd'hui, un mouvement contraire a vu le jour: le PLR et l'UDC viennent de déposer des initiatives en faveur du 50 km/h sur certains axes.
>> Lire : Ancrer le 50km/h dans la loi, une manière de lutter contre les limitations plus basses
"Ce sont des questions techniques et politiques", souligne Vincent Kaufmann. Et derrière la question du 30 km/h généralisé, il y a aussi la question de la dangerosité des accidents de la route: "On a un développement considérable des usages du vélo. Et un accident vélo-voiture à 30 km/h ou à 50 km/h, c'est extrêmement différent en termes de conséquences pour le cycliste".
Ce spécialiste de la mobilité revient aussi sur les critiques autour de la disparition des places de parc au centre des villes et les craintes pour le commerce. "C'est une vieille histoire", rappelle-t-il. "Mais sur le fond, les réponses sont à nuancer."
Cela peut avoir des effets assez importants sur les petits commerces.
"Pour le commerce spécialisé, c'est parfois important de pouvoir s'y rendre en voiture. Mais (…) c'est très rare que vous ne trouviez pas de place dans un parking souterrain."
La question est un peu différente pour le petit commerce qui vit des achats faits à la volée en sortant du travail. "S'il n'y a pas de places de parc à proximité", reconnaît-il, "cela va sans doute changer la destination de l'achat. Je pense que cela peut avoir des effets assez importants sur ces petits commerces".
La neutralité carbone au centre des débats
Vincent Kaufmann tient aussi à lier ce frein à la voiture en ville au grand débat sur la neutralité carbone: "Si on prend au sérieux l'Accord de Paris, on y est un peu contraint", dit-il. "Atteindre les objectifs fixés par l'accord nécessite pour l'automobile de sortir du mode thermique et de susciter des reports assez massifs vers l'usage d'autres moyens de transport." Et il ne faut pas opposer les deux types de mesures: "On a besoin des deux, il n'y a pas lieu d'opposer le changement de mode de vie à l'innovation technologique".
La voiture est une invention incroyable qui est victime de son succès.
Lui-même amateur de voitures, le directeur du Laboratoire de sociologie urbaine de l'EPFL relève encore qu'on peut aimer les voitures et ne pas les utiliser tout le temps, partout. "Je trouve que la voiture est un objet magnifique, une invention incroyable, qui est victime de son succès. Il faut réussir à l'encadrer, à la gérer, en faire quelque chose au service du bien commun."
Propos recueillis par David Berger/oang