Giovanni Melillo est l'un des hommes les plus protégés d'Italie. Le procureur général italien chargé de la lutte anti-mafia, entré en fonction il y a six mois, est venu en toute discrétion mardi à Berne pour une première réunion de travail avec son homologue suisse Stefan Blättler.
Il s'agissait de la première réunion de travail entre les deux hommes.
"Ramification grandissante" de la mafia en Suisse
Au printemps, le nouveau procureur général de la Confédération avait annoncé faire de la lutte contre la criminalité économique l'une de ses priorités. Aujourd'hui, Stefan Blättler et Giovanni Melillo ont décidé d'instaurer un échange d'informations permanent entre les justices des deux pays. Les deux hommes se rencontreront désormais au moins deux fois par an.
"Nous nous inquiétons beaucoup de la ramification grandissante de la 'Ndrangeta (la mafia calabraise, la plus puissante d'Italie, ndlr) dans toute la Suisse", affirme Giovanni Melillo dans le 19h30 de la RTS. "Le but des organisations mafieuses, c'est de transformer la violence en richesse matérielle, c'est pour cela qu'elles viennent en Suisse", ajoute le procureur italien.
"Il faut ouvrir davantage d'enquêtes en Suisse"
Dans son rapport annuel 2021, la Police fédérale constate que les mafias italiennes sont très implantées en Suisse. "A partir des analyses criminelles dont nous disposons, nous savons non seulement que les phénomènes mafieux existent en Suisse, mais que ceux-ci sont en augmentation", ajoute Stefan Blättler, qui a succédé à Michael Lauber à la tête du Ministère public de la Confédération (MPC) au début 2022.
Ces organisations criminelles sont désormais présentes dans toutes les régions du pays, selon Fedpol. Plusieurs arrestations ont eu lieu ces dernières années, notamment à Frauenfeld (TG) en 2014, mais rares sont les condamnations de mafieux. "Ce que nous devons faire maintenant, c'est ouvrir davantage d'enquêtes concrètes", note le procureur général de la Confédération.
Améliorer l'échange d'informations entre les cantons
Cependant, pour lui, intensifier l'échange d'informations avec l'Italie ne suffira pas. Il faudrait aussi que les polices cantonales communiquent entre elles, ce qui n'est toujours pas le cas. "Actuellement, nous avons presque des meilleures possibilités d'échange avec les Etats Schengen qu'à l'intérieur de notre pays", relève ironiquement l'ancien commandant de la police bernoise.
"Pour le moment, chaque canton a son système. Ce qu'il nous faut, c'est un système d'information unique pour l'ensemble de la Suisse", plaide le chef du MPC. "C'est la seule chose qui nous permettra de créer une espèce d'image de la situation criminelle. Sinon, nous sommes aveugles", ajoute Stefan Blättler, qui se réjouit toutefois que les discussions entre les cantons soient selon lui sur la bonne voie.
Jean-Marc Heuberger et Didier Kottelat