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Des psychédéliques pour guérir les maladies psychiques

Les thérapies assistées par psychédéliques sont en plein essor et la Suisse est à la pointe de la recherche
Les thérapies assistées par psychédéliques sont en plein essor et la Suisse est à la pointe de la recherche / 19h30 / 4 min. / le 26 février 2023
Après des années de diabolisation, les psychédéliques font leur retour dans le champ de la médecine. Chercheuses et chercheurs espèrent pouvoir utiliser LSD et champignons hallucinogènes pour soigner dépressions et autres troubles psychiatriques. Témoignages.

Depuis une vingtaine d'années, la Suisse se penche à nouveau sur la recherche des thérapies assistées par psychédéliques. Plusieurs centres hospitaliers travaillent sur des traitements qui utilisent du LSD, de la psilocybine et de la MDMA pour soigner dépressions, anxiété ou toxicomanie.

>>Lire aussi : LSD, psilocybine ou MDMA: le retour des psychédéliques dans la médecine

Si elles sont encore illicites, ces substances peuvent faire l'objet d'une autorisation spéciale de l'Office fédéral de la santé publique à la demande d'un ou d'une psychiatre en tant que traitement compassionnel. Une décision qui intervient en dernier recours, si tous les autres traitements ont échoué.

C'est le cas de Laura, tombée dans un état dépressif dès l'âge de 10 ans: "Si j'arrivais à gérer mon mal-être de temps en temps, je finissais toujours par replonger. Ma dépression a aussi entraîné des troubles alimentaires et compulsifs. C'est un état qui m'a accompagnée pendant près de 30 ans". Après une multitude de traitements, elle commence une thérapie assistée par MDMA en novembre 2021.

"Se libérer de la maladie"

Sceptique, Laura effectue quelques recherches avant de se lancer: "J'avais lu que les Hôpitaux universitaires de Genève menaient ce genre d'expérience. Cela m'a rassurée pour franchir le pas".

Les bienfaits de la thérapie se font vite ressentir: "Pour la première fois de ma vie, j'ai vraiment habité mon corps. J'ai réussi à dépasser la douleur et les sensations désagréables auxquelles j'étais habituée", témoigne-t-elle.

Elle ajoute: "C'est comme un oignon: on enlève les couches pour aller de plus en plus en profondeur, jusqu'à toucher le point le plus difficile qui a un impact sur tout le reste. C'est comme si j'avais touché l'essence de toutes les souffrances accumulées".

Comme pour 9 personnes sur 10 en thérapie assistée par psychédéliques, le traitement de Laura est un succès, après quatre prises espacées chacune d'un mois. Pour elle, la MDMA lui a permis de se libérer de sa maladie, quand les autres traitements ne faisaient que la maintenir en vie.

"C'était la plus grande surprise de ma vie. Comment quelque chose qui a été si dur pour moi a-t-il pu se régler en si peu de temps?", se questionne-t-elle.

Substances bannies

Federico Seragnoli travaille au service d'addictologie des HUG et écrit une thèse sur les thérapies assistées par psychédéliques. Selon les études, ces substances se trouvent en queue de classement concernant les effets physiologiques toxiques, loin derrière d'autres médicaments largement prescrits, comme la ritaline ou la benzodiazépine.

"Les substances psychédéliques sont extrêmement bien tolérées par l'organisme humain et n'ont pas de pouvoir addictogène. Pourtant, elles ont été classées comme des substances illicites et dangereuses", explique le chercheur. "Il y a eu une volonté politique de bannir ces substances, notamment sous l'impulsion du président américain Richard Nixon, qui a commencé une guerre contre la drogue dès les années 1960", ajoute-t-il.

Le protocole d'accès à ces traitements et son encadrement restent stricts. L'usage de psychédéliques doit être encadré par des personnes professionnelles de la santé qui s'assurent du bien-être physique et psychologique du patient, pendant et après le traitement.

"Les psychédéliques ont un pouvoir sur la neuroplasticité cérébrale. D'un point de vue psychologique, le patient va faire l'expérience d'un autre narratif sur son identité, une sorte de dissolution de son ego. L'expérience se traduit par un état psychologique de paix, une connexion à quelque chose de plus grand que soi", détaille Federico Seragnoli.

En Suisse, six universités ont des programmes de recherche complémentaires sur les psychédéliques. Un premier médicament à base de MDMA devrait voir le jour en 2023 aux Etats-Unis.

Sujet TV: Cecilia Mendoza

saje

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Les étudiants se mobilisent

Des étudiants issus de plusieurs universités suisses ont fondé une ONG baptisée ALPS dont le but est d’éduquer les professionnels et le public. Elle soutient la création d'une communauté autour de la recherche et de la thérapie psychédéliques fondées sur des preuves, pour ouvrir la voie à des expériences psychédéliques utiles, de manière sûre, légale et accessible. L’ONG organise régulièrement des symposiums ouverts au public, dont le prochain se tiendra le 6 mai à Berne.