La Suisse alémanique sera clairement sous-représentée dans le prochain Conseil fédéral, déplorent le Tages-Anzeiger et le site alémanique Watson. Pour le quotidien zurichois, ce mercredi d'élection n'est "pas un bon jour pour la Suisse". Le Parlement devra donc corriger cette situation dès l'an prochain.
Elisabeth Baume-Schneider et Albert Rösti sont des personnalités hautement qualifiées, mais "la Suisse alémanique urbaine n'est plus représentée" dans le nouveau Conseil fédéral, dénonce le Tages-Anzeiger. Le gouvernement comptera désormais trois Romands, un Tessinois et deux représentants de cantons bilingues, la Valaisanne Viola Amherd et le Bernois Albert Rösti.
"Jamais dans l'histoire", la Suisse alémanique, qui compte 70% de la population du pays, n'a été aussi sous-représentée, ajoute le "Tagi". Quant aux grandes villes comme Zurich et Bâle - les "véritables moteurs de progrès du pays" -, elles ne seront tout simplement plus représentées.
"Dommage irréparable"
Sur sa version alémanique, le portail d'informations Watson estime pour sa part que l'élection de la successeure de Simonetta Sommaruga a provoqué un "dommage irréparable". La composition du Conseil fédéral sera "extrêmement unilatérale", la Suisse alémanique à l'est de Berne n'étant plus représentée que par Karin Keller-Sutter, critique-t-il.
Selon lui, il y a longtemps que les émotions n'avaient pas été aussi vives après une élection au Conseil fédéral. Alors que les paysans rayonnaient, les représentants des cantons urbains et financièrement forts étaient frustrés, voire furieux. Cela concernait aussi bien les Bâlois que les Zurichois. Ils avaient d'ailleurs toutes les raisons de l'être, souligne le site.
Pour le Tages-Anzeiger, l'élection d'Elisabeth Baume-Schneider et d'Albert Rösti change la donne: Alain Berset, ministre de la santé depuis onze ans, et le ministre de l'économie Guy Parmelin, 63 ans, doivent rester dans leurs départements - et se retirer en 2023, lors de la réélection générale du gouvernement.
"Une débâcle pour la présidence du PS"
Le site conservateur alémanique Nebelspalter qualifie de son côté l'élection d'Elisabeth Baume-Schneider de "débâcle" pour la direction du Parti socialiste. La Bâloise Eva Herzog aurait été une figure de gauche plus forte, mais la Jurassienne a profité de la vengeance de Daniel Jositsch, exclu du ticket officiel, analyse le rédacteur en chef Markus Somm
S'il avait été loyal, le socialiste zurichois serait monté à la tribune pour demander au Parlement de ne plus lui accorder une seule voix. Ce qu'il n'a pas fait, avec la conséquence qu'il a récolté des voix à chaque tour. Une attitude qu'on ne peut peut-être pas lui reprocher, vu les humiliations infligées par son parti lors de ce processus de succession, juge Markus Somm.
Elisabeth Baume-Schneider, que personne ne connaissait il y a quelques semaines encore en Suisse alémanique, a tiré profit de la situation. Elle a su séduire les conservateurs du Parlement, notamment dans les rangs paysans, pointe encore le Nebelspalter.
Une surprise mais des questions pour l'avenir
Du côté de la presse romande, le ton est évidemment différent. Dans un commentaire vidéo, Le Temps juge surtout que l'élection de l'habitante des Breuleux est "une sacrée surprise". Pour le quotidien, la Berne fédérale n'avait plus connu un scénario si inattendu depuis l'éviction de Christoph Blocher et l'élection d'Eveline Widmer-Schlumpf.
Le Temps reconnaît toutefois qu'Elisabeth Baume-Schneider a certainement profité d'une conjonction de plusieurs facteurs: une volonté d'affaiblir le PS à une année des élections fédérales, une façon de faire comprendre à Alain Berset qu'il est temps de laisser sa place ou encore un moyen de stopper les ambitions fédérales de Pierre-Yves Maillard.
"Ce qui pose un peu question, outre la surreprésentation linguistique, c'est la question des villes", ajoute le journal. Le Conseil fédéral ne comprendra plus de représentant des grandes villes, "et c'est un thème dont il faudra parler".
Même son de cloche du côté du Blick romand. Le site d'actualité estime que cette élection aura comme conséquence de barrer la route du gouvernement aux socialistes vaudois Roger Nordmann et Pierre-Yves Maillard. Dans un édito, son rédacteur en chef Michel Jeanneret juge toutefois que la Suisse sort "gagnante" de ce résultat. "La grande force de notre démocratie (...) c'est sa capacité à intégrer ses minorités, à choyer ses particularismes. Dernier entré dans la Confédération, minoritaire, à la croisée des cultures romande et alémanique, le Jura coche toutes les cases", écrit-il.
Le rédacteur en chef de la Tribune de Genève Frédéric Juliard évoque de son côté "une anomalie". D'après lui, les Alémaniques "ne devraient pas rester minoritaires trop longtemps".
ther avec les agences
Damien Cottier: "On doit écouter la frustration alémanique"
La presse alémanique est donc sévère, après l'élection d'Elisabeth Baume-Schneider. Le Tages Anzeiger, notamment, estime que ce mercredi 7 décembre n'a pas été un bon jour pour la Suisse.
Invité jeudi de La Matinale de la RTS, le conseiller national neuchâtelois Damien Cottier refuse d'aller dans ce sens. "Je ne veux pas être gâche-joie, je comprends la joie des Jurassiens", dit-il tout en rappelant que "les équilibres sont quelque chose d'important dans notre pays et qu'il faut les préserver".
Il faut faire attention à un effritement de la confiance et du lien entre la population suisse, ses différentes régions et le Conseil fédéral, poursuit le chef du groupe libéral-radical aux Chambres fédérales. "Et cette frustration alémanique qui sort dans les médias, on doit l'écouter, on ne doit pas la sous-estimer".