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L'auteur présumé de l'attentat de Morges reste confus sur ses motivations

Ouverture aujourd'hui à Bellinzone du premier procès en Suisse pour homicide à caractère djihadiste.
Ouverture aujourd'hui à Bellinzone du premier procès en Suisse pour homicide à caractère djihadiste. / 19h30 / 2 min. / le 12 décembre 2022
Le ressortissant turco-suisse accusé de l'assassinat d'un Portugais en 2020 à Morges (VD) a donné des explications confuses sur ses motivations et sa vision de l'islam lundi au début de son procès devant le Tribunal pénal fédéral. Il a affirmé qu'il s'était trompé sur l'Etat islamique et qu'il regrettait son acte.

A Bellinzone, l’auteur présumé de l’attentat de Morges a livré devant le TPF le récit glaçant de son acte le 12 septembre 2020: un coup fatal à l'aide d'un couteau de cuisine contre un jeune Portugais, choisi au hasard dans un kebab de Morges.

"Je devais trouver un homme, adulte, qui ne soit pas musulman ou âgé, je n’avais pas d’autres critères, a expliqué le double national devant le tribunal. Lors de l'attaque, il avait crié "Allahu akbar" (Allah est le plus grand), des mots qui font de ce procès un procès historique: le premier pour homicide à caractère djihadiste en Suisse.

Âgé de 29 ans, ce double national turco-suisse, qui avait avait déjà passé plus d'un an en préventive après avoir tenté d'incendier une station-service, avait revendiqué son acte au nom de la cause islamiste. "Je voulais faire le djihad, agir dans l’intérêt du groupe Etat islamique, faire plaisir à Dieu", a-t-il aussi déclaré.

Le djihadiste prévoyait de repartir et trouver de nouvelles victimes. "Je pensais même pouvoir mourir. Si durant mon arrestation j’avais eu accès à mon couteau, je l’aurai utilisé contre les policiers", a-t-il ajouté en substance.

>> Les enjeux de ce procès et le rappel des faits : Ouverture lundi du premier procès en Suisse pour homicide à caractère djihadiste

Réponses brèves et précises

L'accusé répond principalement de meurtre et tentative de meurtre, d'assassinat, de lésions corporelles simples, de tentative d'incendie et d'explosion et de violation de la loi interdisant les groupes "Al-Qaïda" et "Etat islamique" (EI).

Devant la cour, le ressortissant turco-suisse est resté prostré, tête baissée. Il a cependant répondu sans difficulté aux questions du président. Sur le plan religieux, il se dit toujours pratiquant, d'obédience sunnite, sans être rattaché à un groupe particulier. Portant un collier de barbe, il prie cinq fois par jour.

Selon le prévenu, l'islam est une religion "pacifique", qui prône la paix. Il ne cesse de la découvrir. Etant toujours dans cette phase, il ne peut qualifier sa propre évolution de "radicalisation". Il nie avoir fréquenté tout groupe islamique, à l'exception d'un homme incarcéré aujourd'hui en France pour terrorisme. Il a aussi déclaré condamner la violence depuis son incarcération en septembre 2020.

La cour a tenté de comprendre l'assassinat du 12 septembre 2020. Le prévenu a parlé "d'un retour du passé", le souvenir de la guerre sainte de l'Etat islamique (EI) en Syrie et des attentats en Europe. Le président lui a rappelé qu'en 2017 déjà, il aurait parlé de "schlasser des kouffars (poignarder des mécréants)". Il voulait tuer pour punir la Suisse de sa participation à la coalition anti-EI.

>> Les explications de Fabiano Citroni dans le 19h30 :

Procès d'un djihadiste à Bellinzone, Fabiano Citroni a assisté à l'audience.
Procès d'un djihadiste à Bellinzone, Fabiano Citroni a assisté à l'audience. / 19h30 / 1 min. / le 12 décembre 2022

Déclarations confuses

Sa position par rapport au groupe EI est apparue confuse et contradictoire. Sans adhérer à ce dernier, l'accusé dit soutenir l'idée d'un califat. Il a critiqué certaines actions de l'EI, comme de brûler des personnes vivantes, qui sont interdites dans le Coran. Il s'est aussi distancé des attentats par fusillade en Europe, qui ne seraient pas conformes à la loi du talion. "Si l'on est attaqué par des bombes en Syrie, on doit riposter avec des bombes."

Lors de son procès lundi, le ressortissant a aussi affirmé qu'il s'était trompé sur l'Etat islamique et qu'il regrettait son acte.

Le président a rappelé à l'accusé qu'il avait déclaré à la Police fédéral (Fedpol) avant l'attaque de Morges qu'il ne pouvait pas envisager de commettre des actes violents en Suisse. L'accusé a ainsi reconnu n'avoir "aucune idée" du nombre de soldats et d'armes envoyés par la Suisse en Syrie. C'est un communiqué de l'EI qui lui aurait appris que la Suisse faisait partie de la coalition.

Défendre le prophète

Ce croyant voulait défendre le Prophète: "Celui qui attaque l'islam, s'en prend au Prophète. En prison, je me suis rendu compte que je m'étais trompé. Je suis désolé, je me suis trompé."

Le prévenu a reconnu qu'en choisissant une attaque au couteau, il avait suivi l'un des modèles proposés par l'EI. Après les faits, il était fier d'avoir obéi à Dieu. Aujourd'hui, il s'est dit "triste pour la victime et sa famille, désolé pour cet incident".

Auparavant, l'homme a expliqué le téléchargement et le visionnement de dizaines de vidéos et d'images d'exécutions et de tortures par sa volonté de s'informer sur l'Etat islamique (EI). Il se serait rendu compte désormais que l'islam est une religion "pacifique", qui prône la paix.

Gardien et policier agressés

D'autres autres agressions ont été évoquées lundi. Selon l'accusé, l'attaque d'un gardien de prison était justifiée par les "coups tordus" de ce dernier. Il aurait voulu "seulement le griffer". Comme le stylo s'est cassé après douze coups à la gorge, il l'a encore frappé avec ses poings.

Outre la consommation de cannabis, le prévenu répond aussi de l'agression d'un agent de la police fédérale dans une voiture: les policiers auraient refusé d'éteindre la musique. Il explique ces actes par "de l'énervement".

L'audience se poursuit mardi avec l'audition des proches, de l'expert psychiatre et des témoins.

ats/ebz/furr

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