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Les téléréalités alémaniques, une vision de la Suisse entre modernité et tradition

Les émissions de téléréalité "schwyzerdutsch" en Suisse allemande
Les émissions de téléréalité "schwyzerdutsch" en Suisse allemande / La Matinale / 4 min. / le 14 décembre 2022
Costumes traditionnels, mariages de rêve et juges "people"… Les émissions de téléréalité à la sauce schwyzerdütsch sont peu connues en Suisse romande. Que nous racontent ces programmes de télévision suisses alémaniques?

Sven et Vanessa, Gabriela et Chris, Rico et Flurina... Trois couples de cantons différents qui racontent l'histoire de leur amour pour convaincre et enthousiasmer un jury. L'un d'entre eux remportera 20'000 francs pour son mariage de rêve. C'est le concept de "Jaaa! Die Sendung mit Herz". Un couple lesbien, deux couples hétérosexuels et, parmi le jury, la présentatrice Nicole Berchtold, le chanteur Stress et la drag queen zurichoise Paprika.

Autre ambiance du côté de la "Landfrauenküche", qui met en scène une compétition de cuisine entre paysannes en costume traditionnel, que les téléspectateurs et téléspectatrices retrouvent chez elles dans leur ferme avec leur famille.

On est loin des émissions des télévisions privées, scénarisées et provocatrices comme "Le Bachelor" ou l'émission culte en Suisse alémanique "Jung, wild und sexy", où des jeunes font la fête, flirtent et se battent sur une île chypriote.

Reflet de la réalité alémanique

La téléréalité du service public alémanique raconte une Suisse qui oscille entre folklore et modernité, avec comme ingrédients régionalisme et diversité, où femme paysanne moderne et drag queen figurent au casting.

La SRF parle d’émissions de divertissement. Avec une volonté: refléter la réalité de la Suisse alémanique.

"On représente la réalité de la Suisse alémanique, où l'on voit les différents mondes dans lesquels les gens évoluent", explique Reto Peritz, le chef du département du divertissement de la SRF. "Ce sont les histoires réelles des vraies personnes de la Suisse alémanique, des protagonistes. Et ça en dit beaucoup sur la manière dont les gens vivent en Suisse, même si c'est sous la forme d'une compétition. Et comme on est le service public, on a vraiment une obligation envers notre public d'être crédible."

Construction de l'identité culturelle

Reflet d'une certaine réalité, donc. Mais à travers ces émissions, une identité culturelle est aussi construite, comme l'analysait dans la presse la chercheuse en esthétique du cinéma Charlotte Bouchez. Soit un attachement aux coutumes, à certaines valeurs, une Suisse rurale, bucolique. C'est une image dans laquelle les gens peuvent se retrouver. Par exemple, d'un côté le mariage reste l'objectif, de l'autre des femmes s'occupent de leur ferme, de leur famille en robe traditionnelle et font du yodel.

Vue de Suisse romande, cette représentation identitaire montre un fort attachement aux traditions chez les Alémaniques.

"Avec le recul suisse romand, peut-être qu'on est au premier abord un peu amusé, parce qu'il y a un attachement à certaines traditions qui peut faire un peu vieillot ou suranné. Cela donne quand même un certain regard sur la société", constate la rédactrice en cheffe du magazine télé TV8 Laurence Desbordes, ajoutant que cela peut expliquer le fonctionnement d'une "vision de la femme ou de l'amour".

Parler "Mundart"

L’attachement au territoire et au paysage est légèrement différent de ce que l'on connaît en Suisse romande, selon Philippa de Roten, la directrice du département Société et culture de la RTS.

Ce qui renforce la différence, c'est le suisse allemand: "Je parlerais de différences culturelles qui commencent par la langue", soutient-elle. "Cela paraît évident, mais tous ces programmes alémaniques sont en schwyzerdütsch. C'est très important pour le public alémanique, parce que c'est une différenciation avec les programmes concurrents allemands. Cette différence du dialecte marque la proximité avec le public. Elle marque aussi une différence avec les sujets traditionnels, qui sont importants pour le public."

Un lien fort aux traditions et à la langue, qui peut s'expliquer par un besoin de s'affirmer face au pays voisin, l'Allemagne.

L'animateur Jean-Marc Richard décèle de son côté un certain goût plus prononcé en Suisse alémanique pour le "people". Le jury de l'émission sur l'amour "Jaaa! Die Sendung mit Herz" l'illustre bien, où des vidéos d'archive du mariage de Nicole Berchtold ou la vie sentimentale de Stress sont mises en scène.

Exportation possible?

Malgré ces différences, pourrait-on imaginer ce genre d'émissions en Suisse romande? Selon Philippa de Roten, le rapport aux traditions est moins fort en Suisse romande.

Mais cette question est aussi celle des moyens. Le bassin de population étant plus petit, la RTS doit faire des choix, être généraliste et renoncer à des programmes "de niche". C'est aussi une question de budget et de cases de diffusion.

Toutefois, la RTS propose aussi des émissions qui mettent en scènes des vraies personnes face à un challenge, comme "Bon débarras", dans laquelle des personnes redonnent vie à des objets.

Camille Degott/ami

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