Le texte d'Erich Ettlin (Centre/OW) demande que les conventions collectives du travail (CCT) étendues et nationales, déclarées de force obligatoire par le Conseil fédéral, l'emportent sur le droit cantonal en matière de salaire minimum, de 13e salaire et de droit aux vacances.
Cinq cantons sont concernés et le salaire minimum ne devrait ainsi plus s'y appliquer dans les secteurs où une convention collective de travail nationale étendue prévoit un salaire plus bas. Une mesure qui touche notamment le salaire des coiffeurs et coiffeuses du canton de Genève. L'hotellerie-restauration et le nettoyage sont aussi concernés.
Dans sa motion Erich Ettlin pointait du doigt le salaire minimum entré en vigueur en 2017 à Neuchâtel et celui de 23 francs de l'heure accepté en 2020 à Genève.
Incertitude juridique
Selon lui, ces cas "mettent à rude épreuve un partenariat social qui a fait ses preuves". Le Conseil des Etats a assez largement soutenu ce texte en juin dernier.
Le partenariat social doit rester intact, basé sur la confiance, grâce aux CCT, a affirmé Fabio Regazzi (Centre/TI) au nom de la commission. Les CCT sont complexes et équilibrées. Si elles sont déclarées de force obligatoire nationale étendue par le Conseil fédéral, elles sont contraignantes pour toute une branche.
La décision du Tribunal fédéral en 2017 d'accorder une primauté des salaires minimaux cantonaux sur d'éventuelles CCT déclarées obligatoires a ouvert une incertitude juridique, selon le Tessinois. Ces salaires minimaux entraînent aussi des incertitudes dans les négociations entre les partenaires sociaux.
"Attaque contre les cantons"
"Vous allez créer des travailleurs pauvres" avec cette motion, a lancé Cédric Wermuth (PS/AG). Les cantons de Genève et Neuchâtel ont voté en faveur d'un salaire minimal en toute connaissance de cause, parce que les conventions collectives ne permettaient pas d'obtenir dans certaines branches un salaire minimal suffisant pour y vivre.
Il s'agit aussi d'une attaque contre le fédéralisme et la souveraineté des cantons, a poursuivi le socialiste. Il en va du respect de la Constitution et de la volonté populaire.
Diversités cantonales
La conseillère d'Etat genevoise en charge de l'économie Fabienne Fischer ne cache pas sa déception dans le 19h30: "Je suis fâchée et déçue. Jusqu'à un millier de francs par mois en moins pour des personnes qui travaillent plein temps, le risque de devoir recourir à l'aide sociale, ce n'est pas acceptable."
"Le Conseil fédéral doit maintenant élaborer une nouvelle loi, et je vais me mobiliser pour qu'il tiennent compte au maximum des diversités cantonales. Chacun sait qu'on ne peut pas vivre à Genève avec le même salaire qu'à Glaris ou dans le Jura."
Contrat privé
Également opposé au texte, le conseiller fédéral en charge de l'Economie Guy Parmelin a rappelé qu'une CCT ne peut pas contredire une loi cantonale, qui a une légitimité démocratique. Il admet que les CCT ont un rôle important dans le système suisse, mais il précise qu'il s'agit de contrats d'ordre privé, même lorsqu'elles sont déclarées de force obligatoire.
Ce sont les cantons qui sont compétents en matière de politique sociale, comme l'a confirmé le Tribunal fédéral. De plus, les salaires minimaux ne semblent pas avoir eu un impact sur les CCT et le partenariat social, a argumenté le conseiller fédéral UDC, en vain. Au vote, la motion a été soutenue par 95 voix contre 93 et 4 abstentions.
Les syndicats ont déjà dénoncé cette motion comme un "sabotage" du partenariat social et une violation de la Constitution.
ats/asch