Après deux ans de pandémie, Ignazio Cassis pouvait penser que son année présidentielle allait être celle du retour à la normale. Mais à la fin février, cet espoir vole en éclats: la Russie envahit l’Ukraine et provoque une onde de choc mondiale. La Suisse n’est pas épargnée et, après quelques tergiversations, elle reprend les sanctions de l’Union européenne contre le régime de Vladimir Poutine et les proches du chef du Kremlin.
Le capitaine dans la tempête
C’est le début d’un débat de plusieurs mois sur la neutralité helvétique qui aboutira, en septembre, à l’échec du nouveau concept de neutralité coopérative promu par le chef du Département des Affaires étrangères. C’est également le début d’une série de secousses qui vont ébranler le pays: afflux de dizaines de milliers de réfugiés ukrainiens, hausse du prix du gaz et de l’essence, retour de l’inflation et menace de pénurie énergétique durant l’hiver.
Dans un contexte aussi troublé, le bilan d’Ignazio Cassis est plutôt honorable. “C’était une année extraordinaire. On n’a pas eu le temps de se poser trop de questions. Il fallait aller de l’avant jour après jour et conduire le bateau”, commente le Tessinois. Durant toute l'année, le président a été le capitaine d’un Conseil fédéral pris dans la houle, avec des tensions internes, des affaires et des fuites dans la presse. Autant de tempêtes qu’il a toujours réussi à surmonter.
Gros engagement sur l'Ukraine
Tout au long de sa présidence, Ignazio Cassis s’est énormément profilé sur le dossier ukrainien. Mi-mars déjà, il prend part à une manifestation de soutien à l’Ukraine sur la Place fédérale. En juillet, il organise la conférence de Lugano, qui pose les premiers jalons de la reconstruction de l’ancienne république soviétique. Cerise sur le gâteau, à la mi-octobre, le chef de la diplomatie suisse se rend à Kiev toujours sous les bombes, alors que d’autres chefs d’Etat renoncent à s’y rendre. Son courage est salué.
A l’échec de sa tentative de réformer la neutralité helvétique, Ignazio Cassis oppose un succès: l’entrée de la Confédération au Conseil de sécurité de l’ONU. Initiée en 2011 par Micheline Calmy-Rey, la procédure trouve son épilogue plus de dix ans plus tard, sous la présidence du Tessinois. Dès l’année prochaine et pour deux ans, la Suisse occupera donc l’un des dix sièges de membre non permanent au sein de la plus haute instance exécutive des Nations unies.
Le récent dégel, certes très timide, du dossier européen est un autre demi-succès à mettre au crédit du conseiller fédéral PLR. Mais tout n’est pas rose, loin s’en faut. En dépit des avancées que la Suisse aurait obtenues sur la protection des salaires et sur la directive sur la citoyenneté européenne, la relation avec l’Union européenne n’a quasi pas évolué depuis l’abandon unilatéral de l’accord-cadre décidé il y a un an et demi par le Conseil fédéral, et le dossier reste embourbé.
Pas de rebond de popularité
Parallèlement à son engagement sur l'Ukraine, Ignazio Cassis a eu de nombreuses occasions de briller à l’international, multipliant les rencontres avec les grands de ce monde comme le pape François, le président français Emmanuel Macron, le chancelier allemand Olaf Scholz ou le roi des Belges. Il a même été l’un des derniers chefs d’Etat à pouvoir s’entretenir avec la reine d’Angleterre. Pourtant, le Tessinois n’a pas su profiter de la lumière offerte par la présidence pour doper sa cote de popularité, comme l’avait fait Guy Parmelin un an plus tôt.
Ignazio Cassis reste ainsi le conseiller fédéral le plus mal noté par la population, que ce soit en termes d’influence ou de popularité, selon le dernier sondage réalisé par l’institut Sotomo pour le compte de la SSR (voir les graphiques ci-dessous). Un classement qui ne lui enlève pas le sens de l’humour, comme il l’avait démontré récemment dans l’émission 52 minutes: “Etre le dernier de la liste, ça signifie que vous ne passez pas inaperçu. (...) Et deuxièmement, je suis quand même dans le top ten…” L'auto-dérision comme remède à l'impopularité?
Valérie Gillioz et Didier Kottelat