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L'usage d’armes blanches dans les rixes entre jeunes augmente en Suisse

Une voiture de la Police genevois devant l'aéroport de Cointrin (image d'illustration). [Reuters - Pierre Albouy]
Les jeunes hommes font de plus en souvent usages de couteaux lors d'altercations en Suisse / La Matinale / 4 min. / le 22 décembre 2022
Les jeunes hommes font de plus en souvent usage de couteaux lors d'altercations en Suisse. Plusieurs bagarres fatales ont refait la Une des journaux alémaniques dernièrement. Cette tendance à la hausse chez les moins de 24 ans inquiète les milieux spécialisés.

Au total, 18 mineurs ont été arrêtés pour homicide ou tentative d'homicide avec une arme coupante l'année passée en Suisse. En 2015, ils n'étaient que deux. Chez les jeunes adultes (18-24 ans), les cas ont plus que doublé, avec 46 arrestations l'année passée, selon les données des statistiques policières de la criminalité.

Cette tendance est inégale selon les cantons. On l'observe par exemple à Genève, dans le canton de Vaud ou encore à Zurich, tandis que Neuchâtel n'estime pas faire face à cette problématique. Au niveau national, une augmentation est observée, même s'il est difficile d'avoir des informations précises, confirme Dirk Baier, directeur de l'Institut pour la délinquance et la prévention de la criminalité à la Haute école zurichoise des sciences appliquées (ZHAW).

"Pour faire des comparaisons sur plusieurs années, on ne peut utiliser que les chiffres de l'Office fédéral de la statistique. Et ces chiffres montrent effectivement que le nombre de délits où le couteau est entré en jeu a triplé depuis 6-7 ans", explique-t-il. Une tendance similaire s'observe également dans des études menées en Allemagne et au Royaume Uni, précise le spécialiste.

Un jeune homme sur cinq concerné

Les jeunes hommes seraient tendanciellement de plus en plus nombreux à se promener avec une arme. Dans une étude de la ZHAW menée sur un panel non-représentatif de Zurichois âgés de 12 à 18 ans, un jeune sur cinq déclarait avoir déjà porté un couteau sur lui. Un constat fait également par les acteurs du terrain.

Et une fois le couteau en poche, il suffit d'un moment de tension, d'une altercation dans un situation émotionnelle ou alcoolisée pour que ça dégénère. Le nombre absolu de personnes concernées reste bas, mais Dirk Baier insiste sur les conséquences parfois tragiques et le risque d'escalade des conflits. Pour lui, le phénomène doit être pris au sérieux.

Issues dramatiques sous-estimées

A Genève, la police constate aussi cette réalité sur le terrain. Son porte-parole Alexandre Brahier veut toutefois éviter une "stigmatisation des jeunes". Il rappelle qu'il ne s'agit que d'une "poignée d'individus".

"Mais c'est vrai que lors des rixes entre eux, auparavant l'arme servait plutôt à intimider, tandis que maintenant, ils s'en servent pour passer à l'acte, sans se rendre compte des issues dramatiques et des conséquences potentielles", explique-t-il.

La police évoque un phénomène cyclique, porté par de nouvelles générations et qui a pris de l'ampleur ces derniers mois. Constat partagé par la Fondation genevoise pour l'animation socioculturelle. Son secrétaire général Yann Boggio dresse le tableaux de jeunes de 12 à 15 ans marqués par le Covid, par une certaine absence de "collectivité", qui ont "une très grande difficulté à comprendre la gravité de leurs actes et à en imaginer ou même entrevoir les conséquences".

Tendance sur le long terme

Selon Dirk Baier, toutefois, cette tendance se développe depuis plusieurs années. "D'une part, on observe de plus en plus de jeunes s'orienter vers une certaine forme de masculinité dominante", dont le couteau peut être un symbole. "D'autre part, on remarque que les jeunes rejoignent davantage des bandes. Et donc ça fait partie du jeu de s'armer quand on est face à des bandes rivales, ou quand on veut commettre un crime".

Cette présence de couteaux ne serait donc que la pointe de l'iceberg d'une augmentation générale de la violence chez les jeunes. Selon les experts, la réponse la plus pertinente reste la prévention, notamment axée sur les conséquences dramatiques de l'utilisation d'un couteau. Il est aussi essentiel de faire de la prévention plus générale en faveur d'une résolution des conflits non-violente.

Sujet radio: Camille Degott
Adaptation web: jop

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