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Des ONG suisses prises à la gorge, privées de collaboratrices en Afghanistan

En Afghanistan, l'interdiction faite aux femmes de travailler au sein des ONG a des conséquences graves pour l'ONG suisse Terre des hommes
En Afghanistan, l'interdiction faite aux femmes de travailler au sein des ONG a des conséquences graves pour l'ONG suisse Terre des hommes / 19h30 / 2 min. / le 26 décembre 2022
Les talibans ont décidé d'interdire aux femmes de travailler au sein des ONG, y compris internationales. Cette décision a des conséquences graves pour les organisations suisses comme Terre des Hommes, qui emploie une centaine de sages-femmes sur place.

Depuis samedi, les femmes afghanes n’ont plus le droit de travailler pour des ONG en Afghanistan, une décision qui a suscité de nombreuses réactions internationales.

>> Lire : Les talibans interdisent cette fois aux femmes de travailler pour les ONG

Cette décision est dramatique pour Terre des Hommes, l’une des deux organisations suisses présentes dans le pays.

Des femmes aux compétences très spécifiques

"Presque 60% de nos collègues en Afghanistan sont des femmes aujourd’hui. [Elles ont] des compétences très spécifiques, avec des sages-femmes, des médecins, des travailleuses sociales qu'on ne peut pas et qu'on ne veut pas remplacer du jour au lendemain", a souligné lundi dans le 19h30 de la RTS Claudio Rini, chef des opérations de l'ONG.

Au total, cela représente 167 femmes, dont une centaine de sages-femmes, et autant de vies brisées. C'est du jamais vu pour le représentant national de Terre des Hommes présent sur place depuis près de 25 ans.

"On les a toutes appelées, il y avait beaucoup d’émotion et de tristesse chez elles après cette décision", déplore Mohammad Faisal Arezo. "L’une de nos collègues est passée au bureau récupérer son ordinateur et des documents, parce qu’elle s’occupe des finances ici et qu’elle va devoir travailler depuis la maison. Elle était très émue, prête à pleurer, on l’a rassurée en lui disant que la situation pourrait encore changer", raconte-t-il.

Des conséquences médicales désastreuses

Et c’est bien dans le domaine médical, quasi exclusivement féminin, que les conséquences seront désastreuses. Sages-femmes et médecins vont désormais devoir travailler dans l’ombre.

"Les risques de décès, les risques de grossesse difficile, de maladies, vont augmenter. Et on va donc essayer de trouver des solutions à court terme", souligne Claudio Rini.

"Ne pas mettre nos collègues en danger"

Une grande majorité des collaboratrices locales de Terre des Hommes travaillent au sein des communautés dont elles font elles-mêmes partie. Elles sont donc proches de leurs voisines qui sont dans le besoin. "Elles vont essayer de continuer à les supporter, mais on est très attentifs à ne pas mettre nos collègues en danger", précise-t-il.

Des négociations ont été engagées entre les talibans, l’ONU et les organisations présentes sur place. Des dérogations pourraient être accordées pour les ONG actives dans le milieu de la santé.

Sujet TV: Julien von Roten
Adaptation web: oang

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L'ONG Médecins sans frontières en attente

L'interdiction de travailler avec du personnel féminin concerne les ONG qui dépendent du Ministère de l'économie. Pour les organisations rattachées aux Affaires étrangères, comme Médecins sans frontières (MSF), la décision est encore en suspens.

"Pour l'instant, nous avons maintenu l'ensemble de nos projets et n'avons rencontré aucune difficulté pour que nos collègues féminines travaillent", rapporte Filipe Ribeiro, représentant pour l'Afghanistan de MSF, depuis Kaboul.

L'ONG emploie plus de 1500 femmes en Afghanistan. "Si nos collègues féminines ne pouvaient plus travailler, les femmes afghanes n'auraient plus accès aux soins de santé. Ce serait dramatique", a-t-il alerté mardi dans l'émission Tout un monde de la RTS.

>> Ecouter son interview :

Une femme afghane passe à côté d'un taliban dans une rue de Kabul. [AP Photo/Keystone - Ebrahim Noroozi]AP Photo/Keystone - Ebrahim Noroozi
Afghanistan: Interview de Filipe Ribeiro, représentant pour l'Afghanistan de l'ONG Médecin sans frontières / Tout un monde / 8 min. / le 27 décembre 2022