L'annonce des 132 milliards de perte n'est une surprise pour personne, car les mauvais résultats étaient connus depuis des mois. Mais certains cantons romands avaient tout de même budgétisé ces revenus. Berne comptait sur 320 millions, Vaud sur 187,6 millions et le Valais sur 107,3 millions de francs. Pour le Jura, c'est 22,8 millions qui s'envolent, une vraie tuile pour un canton déjà déficitaire et en plein programme d'économies.
>> Les détails sur l'annonce des pertes de la BNS : La BNS confirme son résultat négatif d'environ 132 milliards de francs
D'autres cantons ont été plus prévoyants. C'est le cas de Neuchâtel, qui n'avait budgétisé qu'une petite partie de la manne, soit 27 millions de francs. Genève a de son côté supprimé la somme à la dernière minute de son budget. Quant à celui de Fribourg, l'argent de la BNS n'y a purement et simplement pas été inscrit.
La majorité des cantons disent pouvoir puiser dans leurs réserves conjoncturelles et absorber ce manque à gagner cette année. Interrogé dans le 19h30, le directeur de l'Observatoire de la Finance et professeur à l'Université de Fribourg Paul Dembinski estime pour sa part qu'il faut revoir quelques habitudes en finances publiques.
"Revoir les attentes et les espérances"
"On budgétise [avec les bénéfices de la BNS] parce que ça marchait depuis dix ans. On s'est dit que la onzième année, ça marcherait encore". Mais l'expert rappelle qu'avant 2011, la BNS ne distribuait qu'un milliard aux cantons, un montant augmenté grâce aux "résultats phénoménaux" de la dernière décennie.
"On a augmenté les attentes à six [milliards]. Certains disaient qu'il fallait les augmenter à dix ou vingt (…). Je crois qu'aujourd'hui, on va revoir les attentes et les espérances. Et on va surtout revoir les principes de politique monétaire", lance l'économiste.
La BNS n'est pas tout à fait une entreprise comme les autres, mais elle n'en reste pas moins une société anonyme (SA), remarque le spécialiste de la finance. "Si les fonds propres d'une SA passent de 200 à 60, on se pose quand même des questions", assène-t-il, expliquant que c'est ce qui s'est passé cette année avec la BNS… en termes de milliards. "On est, quelque part, proche d'un seuil de rupture", ajoute-t-il.
Il évoque ainsi l'hypothèse d'une disparition de fonds propres de la BNS qui nécessiterait une recapitalisation. "Certains pourraient être appelés à passer à la caisse, y compris la Confédération et peut-être, dans une certaine mesure, les cantons", avance-t-il. Dans ce cas de figure, ces derniers seraient donc doublement perdants face aux difficultés de la BNS.
Propos recueillis par Philippe Revaz
Adaptation web: ami
Sujet TV: dg, nb, ok
Vers une nouvelle envolée du franc suisse?
La BNS a défendu "bec et ongles" la parité de l'euro et du franc suisse pour empêcher le second de s'envoler. Mais cette politique a été assouplie récemment, en raison de l'inflation notamment.
"En termes d'arsenal, on est arrivé aux limites de ce qu'on pouvait faire. Le franc suisse va probablement s'envoler", envisage Paul Dembinski.
L'économiste rappelle que le franc suisse a toujours fonctionné comme une valeur refuge. "Plus il y a d'instabilité dans le monde, plus le franc suisse se porte bien. L'année 2022 était quand même riche en instabilité. Je n'ai pas l'impression que c'est en train de s'atténuer maintenant."