Le Conseil fédéral interdit aussi à l'Espagne de réexporter en Ukraine des armes suisses

L'Espagne souhaite aider l'Ukraine en lui envoyant du matériel militaire. Ce dernier ne pourra toutefois pas venir de Suisse. La ministre espagnole de la Défense a en effet déclaré mardi que la Suisse avait posé son veto, sans préciser le type d'armement.

Sur la question épineuse de la réexportation de matériel militaire fabriqué en Suisse vers l'Ukraine, la position du Conseil fédéral n'a donc pas varié ces derniers mois.

Début novembre, il a interdit à l'Allemagne d'envoyer en Ukraine les munitions de fabrication suisse destinées à des chars de défense antiaérienne. La demande du Danemark, qui portait sur vingt-deux chars de grenadiers à roues Piranha III "made in Switzerland", a également été rejetée.

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Accord du Seco ou du Conseil fédéral

Selon le Conseil fédéral, de telles livraisons sont juridiquement impossibles en raison de la neutralité. En achetant du matériel militaire en Suisse, les pays s'engagent à ne pas le transférer vers un pays tiers, ni même à le prêter. Toutefois, s'il souhaite le faire, il doit d'abord obtenir l'autorisation du Secrétariat d'Etat à l'économie (Seco) ou du gouvernement pour les cas les plus sensibles.

La position de la Suisse ne passe pas très bien dans plusieurs capitales européennes, au sein de l'Otan et en Ukraine, évidemment.

Opposition minoritaire au Parlement

Quelques parlementaires fédéraux bourgeois veulent supprimer la clause de non-réexportation pour une série de pays considérés comme "amis". Deux motions - une issue des rangs du PLR et une autre du Centre - en font la demande.

Selon leurs auteurs, la Suisse est confrontée à des critiques et à une incompréhension de la part de ses partenaires européens. Il faut aussi protéger l'industrie de la défense et de la sécurité. Des arguments qui ne convainquent pas, à gauche, mais aussi au PLR, au Centre, ainsi que qu'à l'UDC qui revendique un respect beaucoup plus strict de la neutralité.

Une majorité du Parlement soutient donc la fermeté du Conseil fédéral sur cet enjeu de la réexportation d'équipements militaires.

L'industrie "prend acte"

L'industrie "prend acte" de la position du Conseil fédéral, indique Patrick Mayer, membre du comité du Groupe romand pour le matériel de défense et de sécurité (GRPM), vendredi dans l'émission de la RTS Forum.

Pourtant, l'entreprise Rheinmetall a déjà décidé de produire certaines munitions hors de sa filiale suisse pour "assurer l'approvisionnement indépendant de l'armée allemande en systèmes d'armes importants". Et l'ambassadeur des Etats-Unis en Suisse Scott Miller a déclaré dans une interview à la RTS que "l'industrie suisse de la défense doit se demander à qui elle peut vendre son matériel".

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"Il n'y a pas d'économie et d'entreprises qui ne vivent pas dans des conditions cadres. Parmi elles, il y a la stabilité, la neutralité et la fiabilité. L'industrie en bénéficie pour prospérer. En faire fi au nom d'intérêts à court terme serait une erreur que l'industrie ne commettra pas", estime Patrick Mayer.

Et d'ajouter: "La politique de neutralité de la Suisse existe depuis longtemps. Nos industries ont su exister et prospérer dans le cadre de cette politique. Il y a fort à parier qu'elles pourront continuer à le faire dans une appréciation de la situation qu'on espère toujours flexible et non dogmatique des autorités."

>> L'interview de Patrick Mayer dans Forum :

Marc Menichini/vajo