Balthasar Glättli: "Il est maintenant difficile pour Alain Berset de garder de la crédibilité"
Pour le président des Verts Balthasar Glättli, invité dimanche sur le plateau du 19h30, il est maintenant difficile, pour le président de la Confédération, de garder de la crédibilité après la révélation de fuites d'informations confidentielles sur les mesures adoptées par la Suisse pendant la pandémie de Covid-19 depuis son département vers l'éditeur Ringier.
Les "Corona Leaks", tel est le nom qu'a pris l'affaire qui a touché Alain Berset ce week-end. Selon la Schweiz am Wochenende, le département du ministre de la Santé aurait transmis à plusieurs reprises des dossiers confidentiels concernant la pandémie de Covid-19 au patron du groupe de presse Ringier.
L'actuel président de la Confédération a confirmé qu'une procédure pénale était en cours mais ne s'est pas prononcé sur le fond de l'affaire. Samedi dans l'émission Forum, il a fustigé le fait que les détails de la procédure aient pu être transmis à la presse, évoquant une situation illégale.
>> Lire à ce sujet : Alain Berset fustige des fuites dans la presse alémanique qui mettent en cause son département
Du côté politique, en revanche, les langues se délient après l'article paru dans la Schweiz am Wochenende. "Il est maintenant difficile pour Alain Berset de garder de la crédibilité", a lâché dimanche soir sur le plateau du 19h30 le président des Verts Balthasar Glättli, tout en déplorant la fuite de ces informations dans la presse, qui "nuisent à l'Etat de droit".
"Ca ne va certainement pas renforcer sa position en tant que président de la Confédération, ce qui est mauvais dans une situation de crise telle qu'on la vit maintenant", a-t-il poursuivi. Pour lui, le Conseil fédéral doit aussi trouver un moyen de travailler ensemble, sans fuites permanentes.
>> Regarder aussi le sujet du 19h30 dimanche soir :
"L'affaire de trop" pour l'UDC
Du côté de l'UDC, on parle de "l'affaire de trop", qui doit pousser Alain Berset à la démission. Pour l'UDC valaisan Jean-Luc Addor, les demandes de démission ne sont certes pas dans les traditions politiques du pays, mais le conseiller fédéral fribourgeois devrait "se poser la question de savoir jusqu'où il est prêt à perdre sa crédibilité et à en faire perdre à la Suisse, alors qu'il est président de la Confédération".
Du côté du PLR et du Centre, les avis sont moins tranchés, mais là aussi, on souhaite que la lumière soit faite. Tout comme au Parti socialiste. Interrogé dans La Matinale, le conseiller national valaisan Philippe Nantermod, vice-président du PLR, estime que les commissions de gestion du Parlement doivent s'emparer du dossier.
>> Les précisions de Julien Guillaume dans le 19h30 :
Que savait Alain Berset?
La question centrale reste de savoir ce que savait vraiment le chef du Département de la santé. Etait-il au courant que Peter Lauener, son chef de la communication durant la pandémie, informait régulièrement Ringier de certaines mesures sanitaires qui seraient ensuite discutées lors de la séance hebdomadaire des sept Sages? Ou alors, Peter Lauener aurait-il décidé d'agir seul?
C'est d'abord le procureur extraordinaire de l'affaire Crypto Peter Marti qui s'est posé ces questions, en décidant d'étendre ses investigations à d'autres cas possibles de violation du secret de fonction en lien avec la politique anti-Covid du Conseil fédéral.
D'après la Schweiz am Wochenende, Alain Berset et Marc Walder, le patron de Ringier, ont été entendus par l'enquêteur spécial en tant que "personnes appelées à donner des renseignements". A cette occasion, le président de la Confédération a répété qu'il ignorait si son chef de la communication avait transmis des informations confidentielles et nié l'existence d'un accord entre son département et Ringier.
Peter Lauener a quant à lui dû passer quelques jours en détention provisoire après son audition. L'ancien juge zurichois Peter Marti avait justifié sa demande de détention par le fait qu'il existait de forts soupçons de collusion avec diverses parties à la procédure et que des preuves pouvaient être écartées. L'enquête, toujours en cours, est pour l'instant bloquée (lire encadré).
Des fuites pas anodines
Si les fuites ont toujours existé, elles concernent cette fois un dossier hautement politique. La crise du Covid a en effet amené le Conseil fédéral à prendre un nombre considérable de décisions exceptionnelles.
Pour certains, le rôle du Blick, et donc du groupe Ringier, ne serait par ailleurs pas innocent. Avec les informations du Département de la santé qu'il publiait en primeur, le plus grand tirage de Suisse aurait pu mettre le Conseil fédéral sous pression en le poussant à préférer les solutions proposées par les services d'Alain Berset.
Un conseiller fédéral fragilisé?
Pour Alain Berset, ces révélations tombent mal. En étant président de la Confédération, le socialiste exerce la fonction symbolique, mais parfois importante, de représenter le Conseil fédéral.
L'affaire tombe également en pleine année électorale. Pour plusieurs observateurs, elle risque de l’affaiblir lui et son parti. Le conseiller fédéral a par ailleurs déjà fait l'objet de plusieurs fuites dans la presse. La dernière remonte à cet été, où l'on apprenait qu'il avait été interpellé en plein vol par l'armée française après avoir survolé en avion privé une zone interdite. Au final, aucune poursuite n'avait été engagée.
>> Ecouter le sujet de Forum dimanche soir :
Propos de Balthasar Glättli recueillis par Jennifer Covo
Sujet radio: Céline Fontannaz
Adaptation web: Tristan Hertig/vic
Publié Modifié
Une enquête bloquée par des scellés
Pour l'heure, le procureur extraordinaire Peter Marti n'a pas pu exploiter différents appareils électroniques saisis lors d'une perquisition, car Peter Lauener a demandé leur mise sous scellés. Le Tribunal des mesures de contrainte de Berne n'a pas encore statué sur leur éventuelle levée.
Cette mise sous scellés est la raison pour laquelle l'enquête est actuellement bloquée, a déclaré samedi Peter Marti. Se référant à la procédure en cours, il n'a pas voulu s'exprimer davantage sur l'affaire.
En septembre dernier, Peter Lauener avait de son côté déposé une plainte pénale contre Peter Marti. Il accusait l'enquêteur spécial d'abus de pouvoir et éventuellement d'autres délits. Le procureur extraordinaire Stephan Zimmerli enquête désormais sur ce volet de l'affaire. Peter Lauener a lui quitté son poste au Département de l'intérieur fin août et travaille désormais pour une agence de conseil politique.