Il est faux d'insinuer que "Blick" a pu publier deux articles exclusifs grâce à une communication entre le DFI et le directeur de Ringier, Marc Walder. C'est ce qui ressort d'un courriel interne envoyé par Ringier à ses collaboratrices et collaborateurs, en possession de Keystone-ATS.
Le message est signé par Ladina Heimgartner, cheffe du secteur Global Media et CEO du groupe Blick, et par Christian Dorer, rédacteur en chef du groupe Blick.
L'article exclusif sur les contrats de vaccination, publié le 11 novembre 2020, était le fait de sources de la responsable politique au sein du "Blick", Sermîn Faki, précise le message. Le texte en primeur publié le 11 mars 2021 sur l'assouplissement des mesures anti-Covid provenait de recherches effectuées par l'adjoint de Sermîn Faki, Pascal Tischhauser, et par le correspondant parlementaire Ruedi Studer.
Ringier pas considéré comme prévenu
Dans les deux cas, Marc Walder n'était pas impliqué. "Cette mise au point est importante pour nous", lit-on dans le courriel interne. Le groupe Blick travaille de manière indépendante. Le fait que le CEO d'une firme de médias entretienne des contacts avec des décideurs politiques, économiques, sociaux, académiques ou culturels est parfaitement habituel. Ces contacts n'ont toutefois pas d'influence sur les articles.
Dans l'enquête en cours sur une fuite présumée au sein du Département de l'intérieur, l'entreprise coopère avec les autorités compétentes, en préservant ses sources, a précisé une porte-parole de Ringier, qui ne fait pas d'autres commentaires en raison de la procédure en cours. Ni Ringier, ni ses filiales, ses organes ou certains de ses collaborateurs ne sont considérés comme des prévenus dans la procédure en cours.
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ats/kkub
"Une dimension totalement différente de la fuite usuelle"
Les fuites d'informations dans la presse ne sont pas quelque chose de nouveau, surtout lorsque cela concerne la politique. Mais pour Pierre Ruetschi, directeur du club suisse de la presse et ancien rédacteur en chef de la Tribune de Genève, si les faits sont avérés, cette affaire serait alors hors-normes.
"S'il y a véritablement eu une espèce de marché conclu entre le patron de Ringier Marc Walder et le département d'Alain Berset impliquant l'échange d'informations contre la clémence envers le conseiller fédéral, on entre dans une dimension totalement différente de la fuite usuelle", explique-t-il dans Forum.
Pierre Ruetschi pointe aussi la possible intervention directe de Marc Walder: "Si les faits s'avèrent vrais, si le patron de Ringier a donné 'l'ordre' ou a fortement incité les rédactions à observer une bienveillance manifeste à l'égard d'un conseiller fédéral, cela en pleine crise du coronavirus, ça, évidemment, ça serait extrêmement gênant et ça briserait toutes les normes déontologiques. Mais ces choses doivent encore être établies."
Le Parlement va se pencher sur les "fuites" au DFI
Le Parlement va se pencher sur les "fuites" révélées ce week-end par la presse au Département de l'intérieur (DFI) lors de la pandémie de coronavirus. Les commissions de gestion décideront la semaine prochaine de la procédure exacte. Elles ont toutefois des limites.
Les commissions doivent en effet respecter l'enquête en cours menée par le procureur extraordinaire Peter Marti et la séparation des pouvoirs, a déclaré lundi à Keystone-ATS la présidente de la commission du National, Prisca Birrer-Heimo (PS/LU).
Il faudra notamment répondre à la question d'une audition du président de la Confédération Alain Berset et des autres personnes qui pourraient être impliquées dans ces fuites, a-t-elle ajouté. "La justice doit d'abord faire son travail." Les articles publiés par la presse devront toutefois aussi être examinés.