Convaincu que les substituts de viande vont continuer à séduire, Philip-James Hernandez a quitté son métier d'architecte d'intérieur pour ouvrir à Genève la première boucherie végétale. "On a des saucisses, du haché, de la charcuterie", explique le jeune entrepreneur de 34 ans. "Tout ce que vous pouvez trouver dans une boucherie mais en version végétale."
Et on pourrait s'y méprendre avec de la betterave qui ressemble à de la viande séchée, des protéines de pois transformées en viande hachée ou encore des pâtés en croûte à la protéine de blé.
"On ne veut pas faire croire qu'on va manger de la viande. Les personnes qui veulent réduire leur consommation ont parfois besoin que cela ressemble à de la viande hachée ou à des steaks", argumente Philip-James Hernandez. Le terme "viande" reste malgré tout omniprésent dans le discours. "C'est comme ça qu'on assimile le produit. Quand on trouvera le mot adéquat pour un substitut de viande, alors tant mieux."
Une offre qui s'est développée
Tosca Olivi, une influenceuse romande spécialisée dans les recettes véganes, va en repérage dans des boutiques. Elle y teste par exemple une sorte de mortadelle au goût pistache et champignon shiitake. "On utilise beaucoup les champignons dans la cuisine végétale. C'est ce qui donne ce qu'on dit umami, ce goût de viande", explique la cheffe végane.
Tosca Olivi a renoncé à la viande il y a 5 ans. "J'ai d'abord supprimé la viande rouge, puis le poulet, puis les oeufs. Il m'a fallu environ un an pour changer d'habitude alimentaire", raconte celle qui se prénomme désormais "Chef Tosca" sur les réseaux.
"Au début, quand j'ai commencé, il n'y a personne qui pouvait m'apprendre, j'ai dû chercher par moi-même et avec de la créativité j'ai appris qu'on pouvait bien manger de la sorte. Mais aujourd'hui c'est plus facile, on trouve beaucoup plus de produits."
Pas forcément plus sain
Alors que l'offre est toujours plus abondante, que se cache-t-il dans ces plats qui se substituent à la viande? Il faut souvent beaucoup d'ingrédients pour arriver à imiter une texture de viande, autant au visuel qu'au goût.
"Par exemple, dans certains produits, on craque le pois et on prend juste la protéine. Toute seule elle ne tient pas. Il faut donc des additifs pour obtenir une texture de viande", explique Sidonie Fabbi, maître d'enseignement à la HES Genève, dans la filière nutrition et diététique.
Il s'agirait donc de privilégier les produits qui n'ont pas trop de composants différents. Ne pensez pas, non plus, manger des légumes. "Ici, avec les pois, on a des légumineuses et pas des légumes. Ça ne compte pas dans la règle des 5 fruits et légumes. Ce n'est pas non plus un apport suffisant en protéines d'un point de vue qualitatif. Il faut compléter avec des céréales".
Ces viandes végétales ont globalement un impact moins grand sur l'environnement, mais pour ce qui est de la santé, "il faut comparer ce qui est comparable", estime Sidonie Fabbi. "Une saucisse végétale et une traditionnelle auront les même effets négatifs".
Mieux vaut donc opter pour des aliments bruts, quitte à passer un peu plus de temps en cuisine plutôt que de se tourner vers des substituts, conseille la professeure.
Katia Bitsch et Pascal Wassmer