Les villes suisses prennent des mesures contre la fuite des commerces de leurs centres
Des petits commerces, quelques grandes enseignes, des endroits où s’arrêter pour un café ou un repas: tels sont les ingrédients d’un bon centre-ville, dont l’animation sera le reflet de la santé économique d’une ville et sa région. Un équilibre fragile à maintenir, le départ de quelques enseignes suffisant à tout chambouler.
A Neuchâtel, la chaîne franco-suisse de mobilier et de décoration Casa a annoncé son départ dernièrement. Dans la foulée, le journal ArcInfo a révélé le loyer du local que l'enseigne quitte: 19'400 francs par mois, charges non comprises. Ce tarif, jugé exorbitant, a fait énormément parler, et il interroge quant à la pérennité de l'attractivité d'un centre-ville avec de tels loyers.
"L'offre et la demande"?
Violaine Blétry-de-Montmollin, conseillère communale en ville de Neuchâtel, en charge de l'économie, interrogée dans La Matinale de la RTS, n'est pas choquée par ce tarif.
"Je crois que c'est l'offre et la demande. Si on arrive à se mettre d'accord entre celui qui loue et celui qui est d'accord de louer à ce prix-là, il n'y a pas de souci. Il est vrai que ces prix sont plutôt vus sur Genève ou dans des grandes villes, et ça va être difficile à ce prix-là de trouver des commerçants locaux."
En effet, dans un contexte de franc fort, de boom de l'e-commerce et de crises successives - notamment le Covid et aujourd'hui l'énergie -, les difficultés sont nombreuses. Certains commerces remboursent d'ailleurs toujours leurs prêts Covid et ont vu leurs charges multipliées par dix.
Rôle des propriétaires
Les tarifs en Suisse romande varient énormément: de 150 francs le mètre carré à 2500 francs à Genève. Dans une même ville, les tarifs peuvent passer du simple au triple. Ils ne dépendent pas que de l'offre ou de la demande. Ils dépendent aussi du propriétaire, privé ou institutionnel.
Un privé sera peut-être plus enclin à adapter ses prix pour que ses locaux soient occupés. Une caisse de pension ou une banque voudra surtout préserver la valeur de son patrimoine, déterminée par les loyers appliqués, ce qui explique que certaines régies restent intransigeantes et ne s'adaptent pas à la réalité locale - et tant pis si les locaux sont vides.
En réponse à ces réalités diverses, les villes refusent de voir leurs centres défigurés et développent ainsi toutes sortes d'astuces et d'outils pour les garder vivants, animés, bien remplis.
La stratégie contraignante
Le politique peut avoir une marge de manoeuvre, notamment avec des outils en lien avec les affectations des zones. Violaine Blétry de Montmollin explique qu'à Neuchâtel, "toutes les communes ont jusqu'en 2024 pour refaire leurs plans d'affectation locaux".
Partant de cette mesure, les communes ont "des outils de réglementation qui peuvent être parfois contraignants pour pouvoir affecter différemment les rez-de-chaussée de certaines zones de nos localités comme le centre-ville par exemple", ajoute-t-elle.
"On espère ne pas devoir en arriver là, nuance encore la responsable. On espère surtout que le dialogue pourra porter ses fruits avec les propriétaires. (...) Mais c'est une possibilité que toutes les villes sont en train d'analyser".
Certaines communes ont franchi le pas il y a quelques années, comme Genève, il y a environ 10 ans, ou Carouge plus récemment.
La stratégie incitative
Les villes cherchent aussi à être incitatives. La plupart développent des stratégies autour de l'attractivité et de la qualité de vie.
Le centre-ville de Bienne a été doté de bancs, de tables, d’arbres et d'événements gratuits comme des projections et des concerts.
La Chaux-de-Fonds mise sur sa monnaie locale, l'Abeille, qui favorise les circuits courts et fonctionne très bien.
L'Observatoire du Commerce à Genève
Dans le canton de Genève, Fabienne Fischer, ministre du Département de l'économie et de l'emploi, a lancé il y a deux mois l'Observatoire du Commerce, un outil qui permet aux commerçant d'évaluer le meilleur endroit dans lequel s'implanter sur la base d'une carte du territoire.
Elle explique: "On a introduit un certain nombre de données socio-économiques: le type de population; le type de foyer; l'âge; les activités des commerces alentours".
"Tous ces éléments permettent de se dire, en tant que commerçant: "là je peux m'implanter", ou, au contraire, de se dire: "mon assortiment ne répond pas exactement aux besoins de ce lieu, donc je vais pouvoir l'adapter". C'est vraiment un outil de pilotage pour les commerçants", conclut-elle.
Sujet radio: Deborah Sohlbank et Célia Bertholet
Adaptation web: Julien Furrer