Des baskets vendues pour plus de 1000 euros. C'est cher, surtout quand il s'agit de chaussures estampillées Lidl. Le hard-discounter a fait fort, il y a deux ans, avec sa collection spéciale disponibles en Allemagne, puis dans d'autres pays, y compris en Suisse.
En quelques heures, elles étaient déjà en rupture du stock. Les pièces, vendues 12,99 euros en magasin, ont vite été proposées sur des sites de revente, où les enchères se sont envolées. Ce phénomène a généralement lieu pour des produits haut de gamme qui ont l'habitude de lancer des éditions limitées. C'est ce qu'on appelle la drop culture: des pièces écoulées au compte-gouttes.
"Dans l'industrie du luxe, l'allocation des nouvelles collections est toujours limitée par point de vente", explique Anne Jézéquel, responsable du Master en marketing du luxe à CREA Genève, à l'émission de la RTS Nouvo. On appelle cette technique de création de valeur "le marketing de la rareté". C'est l'une des stratégies utilisées par Lidl. En France, par exemple, il n'y avait que cinquante paires de baskets disponibles dans chacune de ses 1500 filiales.
La collab' entre Migros et Strappazzon
Une autre success-story - 100% helvétique cette fois-ci - est la collaboration initiée l'année dernière entre la coopérative vaudoise de Migros et le designer de St-Sulpice (VD) Sébastian Strappazzon. De ce mariage est née toute une gamme de vêtements qui reprend et détourne les logos et marques du géant orange. Le jour du lancement de la première collection, l'été dernier, 50% des articles étaient déjà vendus.
L'idée de ce projet émane du responsable marketing digital de Migros Vaud. "On devait toucher cette cible digitalisée des moins de 35 ans, qui est peut-être un peu moins représentée dans les communications de Migros, plus axées sur la famille", reconnaît Cyril Fayet.
Pour le trentenaire, le succès de l'opération s'explique en grande partie par l'image très particulière qu'entretient Migros auprès de la population helvétique. "Je pense que les gens étaient hyper contents de faire partie de quelque chose de très suisse", poursuit-il. "Quand on se balade à l'étranger, les produits Migros sont un lien indéniable qui relie les Suisses."
Le géant orange pionnier
Dès 2010, la chaîne de supermarchés s'est illustrée avec la vente de produits dérivés estampillées de ses marques les plus célèbres sur le site web de vente fanshop.ch: Bikini qui reprend le logo M-budget; sac de voyage aux couleurs des bâtonnets de glace à la vanille; pullover avec l'impression "Migros-Kind" ou encore les "parties M-budget", organisées dans les boîtes de nuit des quatre coins du pays.
"Certaines marques de Migros sont vraiment iconiques comme le thé froid ou le liquide vaisselle Handy", détaille Cyril Fayet. Des marques que le géant orange développe lui-même dans ses industries.
Quand le luxe s'inspire de la rue
Aujourd'hui, même les maisons de mode les plus prestigieuses demandent à collaborer avec des marques hautement populaires. Par exemple, Balenciaga a commercialisé des sacs à main fabriqués à partir de paquet de chips Lays et Ralph Lauren a proposé des vêtements dans le jeu vidéo Fortnite.
"Tout comme Migros, le défi contemporain des maisons de luxe est de séduire la génération Z, soit les jeunes nés entre 1995 et 2010", analyse l'experte en marketing du luxe Anne Jézéquel. Une génération qui attend des marques de la créativité, de la qualité, mais aussi de l'engagement. "Cela demande aux marketeurs de revoir complètement leurs plans et d'apporter des réponses et des actions qui sont beaucoup plus créatives et surprenantes."
Alexandre Willemin