Avec le vieillissement de la population, les soins infirmiers vont au-devant de grands défis. Actuellement déjà, près de 15'000 postes sont vacants dans les soins. Selon une étude du cabinet de conseil PwC d'octobre dernier, la Suisse pourrait manquer de 40'000 infirmières et infirmiers et de 5500 médecins d'ici 2040.
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Mercredi, le Conseil fédéral a posé les grandes lignes de la deuxième étape, qui concerne les conditions de travail. "La Suisse a un besoin urgent de personnel soignant bien formé, car il en va de la qualité du système de santé suisse", a indiqué devant la presse le chef du Département fédéral de l'Intérieur (DFI) Alain Berset.
Des plans de service plus à l'avance
Le Département fédéral de l’intérieur (DFI) devra présenter d'ici au printemps 2024 une nouvelle loi en ce sens. L'objectif est faire baisser de 40% le taux de départ de la profession.
La future loi devra fixer de manière uniforme des directives plus strictes concernant l’établissement des plans de service (horaires de travail). Ceux-ci devront à l'avenir être préparés au moins quatre semaines à l'avance au lieu de deux. Les changements à court terme resteront possibles, mais l'employeur sera tenu de verser des suppléments de salaire en fonction du délai dans lequel le travail non planifié est annoncé.
Les associations d'hôpitaux, de homes et de services d'aide et de soins à domicile seront tenues d'élaborer des recommandations concernant les équipes en fonction des compétences, de l’expérience et des diplômes ("skill and grade mixes").
Négociation des CCT
La loi ne touchera en rien à la répartition des compétences entre cantons et employeurs dans le domaine de soins. Le Conseil fédéral veut toutefois pouvoir obliger les partenaires sociaux à négocier des conventions collectives de travail (CCT).
Ces conventions devraient couvrir notamment les salaires minimaux, la réduction du temps de travail hebdomadaire pour les professions particulièrement éprouvantes, le renforcement des droits de participation dans l'organisation de la planification des services ou le (co)financement par l'employeur d'une offre de crèche 24 heures sur 24.
Un certain nombre de prescriptions de droit public existent déjà et ont un caractère obligatoire, a-t-il été précisé. La loi visera si besoin à les renforcer mais surtout à améliorer l'exécution des bases légales existantes. En outre, le Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche (DEFR) est chargé d'analyser comment optimiser l’exécution de la loi sur le travail.
Le Conseil fédéral examinera par ailleurs s'il est envisageable d'obliger les organisations de soins et d’aide à domicile de même que les hôpitaux et les EMS à créer un vivier de personnel interne ou à prévoir une solution externe de location de services.
Amélioration du développement professionnel
Les possibilités de développement professionnel devraient en outre être améliorées. Le Conseil fédéral va déterminer s'il est nécessaire de réglementer le cycle de master et le rôle des infirmiers spécialisés.
Un monitorage est prévu pour évaluer l'efficacité des différentes mesures prises par la Confédération et les cantons. Interrogé sur la date de mise en oeuvre de la future loi, le ministre de la santé a répondu que cela "prendra du temps". L'entrée un vigueur du texte n'aura pas lieu avant 2027.
Le Conseil fédéral et le Parlement ont déjà adopté l'an dernier un premier volet remplissant les demandes de l'initiative populaire. Confédération et cantons devront financer une offensive en matière de formation en soins infirmiers pendant huit ans à hauteur de près d'un milliard de francs. D'ici à l'été, le Conseil fédéral formulera les critères régissant les contributions fédérales destinées aux aides à la formation.
ats/iar
Le comité d'initiative est satisfait, mais demande d'aller plus loin
"C'est un bon signe que le Conseil fédéral reconnaisse la pénurie de personnel et la situation difficile dans les soins", a réagi mercredi Sophie Ley, présidente de l'Association suisse des infirmières et infirmiers (ASI). Mais pour elle, si "certaines mesures sont satisfaisantes, d'autres manquent de précisions".
Membre du comité de l'initiative sur les soins infirmiers, Sophie Ley s'est montrée particulièrement contente qu'il faille élaborer des plans de travail quatre semaines à l'avance au lieu de deux. Elle a aussi salué l'obligation de négocier entre partenaires sociaux, "même si cela ne garantit pas qu'une CCT soit élaborée à la fin".
Sophie Ley est également satisfaite que le gouvernement recommande de travailler sur les ratios infirmiers-patients, soit le nombre d'infirmiers diplômés nécessaires selon les milieux de soins pour assurer la qualité. Cependant, l'ASI et ses partenaires doivent être impliqués dans la discussion, demande-t-elle. "Si ce ne sont que les employeurs qui décident des ratios, il y a le risque que ceux-ci ne soient pas suffisants."
La présidente de l'ASI aurait encore voulu plus de précisions concernant la définition du financement visant à assurer la qualité des soins. Et de déplorer enfin une mise en oeuvre pas assez rapide.