Baptême du feu européen pour Elisabeth Baume-Schneider autour de la question migratoire
L'immigration est en forte hausse en Europe, notamment via la route des Balkans, et la Suisse est aussi concernée. Les entrées illégales ont triplé l'an dernier, selon les gardes-frontières helvétiques.
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Dans l'Union européenne, seulement 21% des quelque 300'000 demandeurs d'asile déboutés ont été renvoyés dans leur pays d'origine en 2021, selon la Commission européenne. Ce taux pourrait même être plus bas, alors que l'objectif de l'UE est de 70%.
Dans ce contexte, la présidence suédoise de l'Union européenne avait présenté, en amont de cette réunion informelle, un document de travail dans lequel elle proposait des mesures pour renforcer les pressions sur les pays ne voulant pas réadmettre leurs citoyens. Ce texte proposait notamment d'agir sur les visas ou l'aide au développement vis-à-vis d'une vingtaine de pays qui ne coopèrent pas, ou peu, pour reprendre leurs ressortissants.
Il faut agir dans un esprit de partenariat avec les pays de retour concernés
Interrogée sur la position de la Suisse en la matière, Elisabeth Baume-Schneider a rappelé que des mesures concernant les visas sont déjà mises en oeuvre actuellement. "Mais cela ne doit pas être uniquement un outil de rétorsion, plutôt un élément qui doit être pris en considération dans un esprit de partenariat avec les pays concernés, en parallèle de mesures de soutien", estime la nouvelle cheffe du Département de justice et police (DFJP).
Dans un communiqué du DFJP publié en amont de la réunion, elle avait déjà mentionné l'option de miser sur les incitations. Par exemple, un traitement facilité des demandes de visas pour les Etats tiers qui coopèrent bien dans le domaine du retour.
Équilibre entre restrictions et solidarité
Au sortir de cette première réunion européenne, la Jurassienne s'est dite frappée en particulier par l'estime que l'on porte à la Suisse en matière de migration. "On ressent immédiatement qu'on est partie prenante des réflexions et de l'action dans ce domaine extrêmement sensible."
C'est la raison pour laquelle la Suisse ne peut pas simplement fermer les yeux sur les mouvements de migration, même si elle reste essentiellement un pays de transit. "C'est important de rester un partenaire crédible", a-t-elle affirmé. "On doit aussi être garant de la sécurité et du respect des droits" des migrantes et des migrants, en trouvant un équilibre avec le droit international.
>> Lire : La Suisse laisse transiter des migrants en provenance d'Autriche vers ses pays voisins
Pour autant, il faut également faire preuve de pragmatisme: "On ne peut pas arrêter systématiquement à la frontière les personnes qui n'ont aucune demande à formuler envers la Suisse", juge la conseillère fédérale.
Raviver la coopération avec les voisins
Il s'agit aussi de renforcer les partenariats migratoires avec les pays voisins, en particulier avec l'Autriche et l'Italie, deux pays avec lesquels la coopération est aujourd'hui au point mort, ou presque.
En marge de cette réunion, Elisabeth Baume-Schneider a pu discuter brièvement avec les ministres de l'Intérieur italien (Matteo Piantedosi) et autrichien (Gerhard Karner). "Il y aura d'autres rencontres", a-t-elle annoncé, car la Suisse "ne peut pas simplement donner des ordres et attendre qu'on lui dise oui".
"Il faut reprendre ces éléments, car il y a actuellement une situation particulière et il ne faut pas accepter qu'elle s'installe à moyen-long terme. J'ai bon espoir qu'on arrive à retrouver, notamment avec l'Italie, une manière de fonctionner dans le cadre de Dublin qui est conforme au droit, et toujours respectueuse de la dignité des personnes concernées", a conclu la conseillère fédérale.
Propos recueillis par Mehmet Gultas
Adaptation web: Pierrik Jordan avec ats
La Suisse, modèle pour l'Europe?
Dans le communiqué du DFJP publié jeudi, Elisabeth Baume-Schneider est aussi revenue sur l'instrument du partenariat migratoire, conclu par la Suisse avec huit pays (Bosnie-Herzégovine, Géorgie, Kosovo, Nigeria, Macédoine du Nord, Serbie, Sri Lanka et Tunisie).
Cette approche affiche un taux de renvoi de 31%, un succès qu'Elisabeth Baume-Schneider attribue à la réciprocité. Car contrairement aux purs accords de rapatriement, les partenariats migratoires suivent une approche plus large dont toutes les parties contractantes profitent. Elle englobe ainsi non seulement le retour et la réintégration, mais aussi le renforcement des infrastructures, la migration régulière et la coopération au développement.
La Confédération est disposée à partager ses expériences au niveau européen. La ministre de Justice et Police peut s'imaginer une coopération renforcée avec l'UE, par exemple via l'agence Frontex. Dans le même temps, elle attend de l'Union qu'elle respecte la politique suisse en matière de migration.