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Monsieur Prix fait face à de la résistance lors de son enquête sur les marges des produits bio

Le surveillant fédéral des prix enquête sur les marges des produits bio. Il déplore le manque de coopération de certains distributeurs
Le surveillant fédéral des prix enquête sur les marges des produits bio. Il déplore le manque de coopération de certains distributeurs / 19h30 / 1 min. / le 27 janvier 2023
Le surveillant des prix Stefan Meierhans s'est heurté à de la résistance lors de son enquête sur des soupçons de prix abusifs pratiqués par les grands distributeurs pour les aliments bio. Une proposition de limitation volontaire a été rejetée.

L'enquête du surveillant des prix avait déjà fait les gros titres avant Noël, car la publication apparemment prévue à l'époque avait été empêchée: Migros aurait rejeté les reproches de marges excessives.

Le surveillant des prix a publié vendredi un rapport intermédiaire sur les marges des produits bio. De nombreuses questions restant ouvertes, il continuera de suivre le sujet de près. "Je suis déjà ravi qu'on ait pu publier aujourd'hui", sourit-il vendredi soir dans Forum. "Quand on parle des marges, on est souvent très proche des secrets d'affaire, et là évidemment il y a toujours sujet à discussion. On a utilisé le temps entre la fin d'année dernière et ce mois de janvier pour élucider et enlever les problèmes qu'il y avait à la publication."

>> En lire plus : Stefan Meierhans: "Il y a beaucoup de gens en détresse, les détaillants ont une responsabilité pour notre société"

Proposition de solution rejetée

A la suite de son analyse et "malgré le manque de coopération de certaines entreprises", Stefan Meierhans a constaté que "les marges brutes et nettes sont souvent très élevées". "Pour le moment, on ne peut pas exclure que les prix soient abusifs dans ce domaine", dit-il.

Il propose ainsi à quelques enseignes un engagement volontaire sur les marges des produits bio. Etant donné que les consommateurs sont prêts à débourser entre 10% et 30% de plus pour un produit bio, il a proposé aux distributeurs de ne pas gonfler leur marge si la majoration de prix liée au caractère bio du produit est déjà supérieure à 20%.

Les distributeurs ne pourraient s'octroyer une marge nette plus élevée sur un produit bio que si le surcoût du bio par rapport au produit conventionnel est de 20% ou moins. Les entreprises ont refusé de prendre cet engagement, qui les aurait obligés à réduire leur prix, souligne Monsieur Prix.

"J'ai fait ce qu'il est prévu dans la loi, chercher un accord à l'amiable. C'est leur libre choix de ne pas accepter cette proposition. Mon but était de populariser le bio, le rendre plus accessible. Hélas, ça n'a pas été pour cette solution, mais il y en aura d'autres", commente-t-il.

>> L'interview complète de Stefan Meierhans dans Forum :

Enquête sur les marges des distributeurs sur des produits bio: interview de Stefan Meierhans
Enquête sur les marges des distributeurs sur des produits bio: interview de Stefan Meierhans / Forum / 6 min. / le 27 janvier 2023

Le manque de concurrence, une explication

Le surveillant des prix a comparé les marges des produits bio en Suisse et aux Pays-Bas. Il relève "une concurrence qui est globalement plus faible qu'ailleurs". Selon lui, cette comparaison indique que "l'environnement peu concurrentiel en Suisse contribue à ce que les produits bio soient plus chers, parce qu'ils doivent endosser une marge supplémentaire élevée".

Stefan Meierhans se demande s'il faut considérer que le commerce de détail suisse connaît une situation de domination collective du marché, comme c'est le cas en Nouvelle-Zélande. Par conséquent, la question se pose de savoir si une réglementation comme celle de la Nouvelle-Zélande est nécessaire en Suisse pour empêcher des marges trop élevées, notamment dans le secteur bio.

vajo/ami avec ats

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La Comco doit intervenir

Les prix et les marges du commerce bio en Suisse sont non seulement trop élevés, mais aussi extrêmement peu transparents, critique la Fondation pour la protection des consommateurs (SKS), le pendant alémanique de la FRC, dans un communiqué. Etant donné que Monsieur Prix ne peut pas infliger des amendes, contrairement à la Commission de la concurrence (Comco), cette dernière doit se pencher de plus près sur Migros et Coop, demande la SKS.

Il n'est pas acceptable que les deux grands distributeurs puissent continuer à se partager le marché sans être dérangés et à exiger des prix excessifs de la part des consommateurs, dénonce-t-elle.

Et d'ajouter que la faible part de marché des discounters dans le commerce de détail a pour conséquence que Coop et Migros se partagent 80% du chiffre d'affaires total, prélèvent des marges bénéficiaires élevées et affichent régulièrement des bénéfices annuels énormes pour cette raison.

Migros et Coop assurent ne pas prendre une marge élevée sur les produits bio

Tristan Cerf, le porte-parole de Migros, a indiqué par écrit à la RTS que la marge brute du groupe "sur les produits bio correspond à peu près à celle des produits alimentaires conventionnels". Et de préciser: "Il peut y avoir des différences selon les produits. Dans certains cas, la marge des produits bio est supérieure à celle des marchandises conventionnelles, dans d'autres, elle est inférieure."

Il affirme que Migros a présenté une trentaine de produits au Surveillant des prix. "Nous avons pu montrer que, pour les produits bio, la marge en pourcentage n'est pas plus élevée que pour les produits conventionnels", assure-t-il.

Le représentant de Migros pointe également que la différence entre les prix à la production et les prix à la consommation des produits labellisés s'explique par des coûts plus élevés pour leur transformation et leur commercialisation. "Il s'agit souvent d'offres de niche, ce qui ne permet pas de réaliser de grandes économies d'échelle", ajoute-t-il.

Idem chez Coop

De même, "Coop ne gagne pas plus sur les produits bio que sur les produits conventionnels" et "ne cherche en outre pas à maximiser ses bénéfices", assure Rebecca Veiga, porte-parole de l'autre géant orange.

Les deux détaillants dressent d'ailleurs un même constat: la concurrence est rude dans le commerce de détail. Dans ce cadre, il est n'est à leurs yeux pas envisageable de vendre des produits aux prix gonflés par des marges bénéficiaires élevées.