L'Allemagne pourrait ne plus se fournir en munitions en Suisse, selon son ambassadeur à Berne
Le débat sur la réexportation d'armes prend de l'ampleur en Suisse. Selon un sondage récent de la NZZ, 55% des Suisses seraient favorables à la réexportation vers l'Ukraine de matériel de guerre fabriqué en Suisse. L'Allemagne en a aussi fait deux fois la demande à la Confédération, ainsi que le Danemark et l'Espagne.
Évoquant une "réticence de la part de la Suisse", l'ambassadeur allemand à Berne Michael Flügger dénote l'incompréhension de partenaires européens autour de la position helvète.
"On trouve que la Suisse, qui tient tellement à protéger le droit international et le droit humanitaire, qui tient à ce que la Charte de l'ONU soit respectée, devrait faire un pas en avant pour permettre aux pays qui sont capables et qui en ont la volonté de soutenir de l'Ukraine", explique l'ambassadeur dans le 19h30 de la RTS dimanche.
Interrogé sur la possibilité que l'Allemagne cesse à l'avenir de se fournir en Suisse, le diplomate a répondu que chaque achat s'accompagnait d'un processus d'approvisionnement: "On va peut-être choisir l'offre qui n'est pas attachée à des conditions telles que la Suisse les prévoit", a-t-il déclaré.
Il espère cependant que cette question ne se posera plus, puisque les débats au Parlement suisse avancent à pas de géant sur le sujet.
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Exemple allemand
Après une longue hésitation, et une cacophonie certaine au sein du gouvernement allemand, Berlin s’est pour sa part décidée mercredi à livrer des chars Leopard 2 à l'Ukraine.
"Notre objectif, c’est de fournir deux bataillons de chars rapidement, en lien avec nos alliés", a lancé le chancelier allemand Olaf Scholz. Cette centaine de Leopards doivent permettre aux Ukrainiens de résister à l’offensive russe anticipée pour le printemps.
Ces chars viendront d’Allemagne, mais aussi de Pologne, Norvège, Finlande, Danemark, Pays-bas, Espagne, et Canada. En parallèle, les USA, le Royaume-Uni et peut-être la France livreront d’autres modèles.
"On s'est adapté"
La livraison de chars allemands à l'Ukraine paraissait improbable il y a quelques mois. Mais pour Michael Flügger, ces livraisons n'étaient pas "impensables".
"C'était une question du développement de cette guerre, qui a eu plusieurs phases. On s'est adapté, en tant que communauté internationale, à chaque étape. Maintenant, il y a une nouvelle étape, et c'est pour ça que l'Allemagne a pris cette décision". En outre, il ajoute que Berlin jouit du soutien de la population allemande.
Certes, il y a eu des réticences au Parlement allemand, mais pour l'ambassadeur, c'était surtout "une grande discussion" pour une "grande décision". Surtout qu'il a fallu "consulter les partenaires avec qui l'Allemagne travaille pour soutenir l'Ukraine dans son effort d'autodéfense", relève-t-il.
"Il y a toujours un risque d'escalade"
Par rapport à la crainte de l'extension de la guerre en Europe, il estime qu'il y a "toujours un risque d'escalade". Cependant, il pense aussi que l'Allemagne "a tout fait pour éviter ça". L'ambassadeur convie donc chacun à "attendre de voir comment la Russie va réagir". "On verra ce qu'il se passe avec cette offensive que la Russie planifie pour le printemps".
Sur la question de savoir jusqu'où l'Allemagne et l'Europe sont prêtes à aller dans ce conflit, Michael Flügger défend qu'"il y a certainement des lignes rouges concernant l'envoi des troupes de la part des partenaires de l'Otan".
Sujet TV: Isabelle Ory
Propos recueillis par Jennifer Covo
Adaptation web: Julien Furrer
Kiev réclame davantage
A la suite de l'officialisation de ces livraisons de chars, Volodymyr Zelensky a remercié l'Allemagne, mais il réclame dorénavant davantage. "Il faut fournir des missiles longue-portée à l’Ukraine, c’est important de renforcer la coopération dans l’artillerie". L’Ukraine aurait aussi besoin d’avions de chasse.
Techniquement, ces armes permettraient de frapper le territoire russe. Les alliés sont donc divisés à ce sujet.
Les pays les plus à l’est poussent pour aller de l’avant. Gabrielus Landsbergis, ministre lithuanien des affaires étrangères, estime que l'Otan est ralentie par "la peur de ce qui se passera si la Russie perd la guerre".
De l'autre côté, face au risque d’escalade, Berlin, Paris ou Washington hésitent. C’est aujourd'hui la grande question non tranchée par les chancelleries: jusqu'où aller face à la Russie.