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Le manque de diversité à la tête des partis socialistes de Suisse romande questionne

Cédric Wermuth, coprésident du Parti socialiste suisse (PS), prend la parole lors du congrès du Parti socialiste suisse (PS), samedi 5 février 2022 à Palexpo Genève. [KEYSTONE - Martial Trezzini]
Cédric Wermuth, coprésident du Parti socialiste suisse (PS), prend la parole lors du congrès du Parti socialiste suisse (PS), samedi 5 février 2022 à Palexpo Genève. - [KEYSTONE - Martial Trezzini]
En Suisse romande, cinq des sept présidents cantonaux du PS ont moins de 30 ans et sont des hommes, universitaires et sans enfant. Certaines voix s'élèvent pour se demander s'ils sont assez représentatifs pour un parti qui met toujours en avant l'importance de la diversité.

Après les Partis socialistes Vaud, Jura bernois, Neuchâtel et Valais Romand, c'est le PS Fribourg qui a élu à sa tête la semaine dernière Thomas Gremaud, 24 ans.

Dans le détail, le plus âgé des présidents est Clément Borgeaud (29 ans, Valais Romand), le plus jeune Théo Brandt (22 ans, Jura bernois), auxquels s'ajoutent Romain Pilloud (27 ans, Vaud), Romain Dubois (25 ans, Neuchâtel) et donc le Fribourgeois Thomas Gremaud.

Au-delà de l'âge ou du genre, tous sont universitaires ou viennent de terminer leur cursus académique. Des profils qui se ressemblent mais qui ne sont pas pour autant inexpérimentés. La plupart de ces jeunes sont en effet actifs depuis plusieurs années au sein des Jeunesses socialistes.

Eloignement de la base ouvrière?

Pourtant, pour ces présidents qui disent souvent préférer l'action à la gestion, une question se pose. Sont-ils suffisamment représentatifs pour mobiliser l'électorat, notamment ouvrier?

Pour d'anciens présidents de PS cantonaux qui ont partagé leur analyse auprès de la RTS, le risque d'une déconnexion est dangereux. D'après eux, pour s'adresser aux ouvriers, il faudrait également des représentants du secteur à des postes clés.

Les jeunes présidents interrogés se disent de leur côté conscients de cette situation et estiment avoir intégré dans leur direction de la diversité dans les âges, les genres ou la représentativité professionnelle, notamment avec des syndicalistes.

Un électorat convoité par les Verts

Pour les politologues, ce pari reste un risque à court terme pour les élections fédérales de 2023. Cette concentration de présidents jeunes, universitaires et citadins est l'illustration d'un parti plus faible que ses élus et ses ténors.

Les experts remarquent aussi que la génération dorée des Berset, Maillard, Nordmann ou encore Levrat a créé un vide, les 35 à 50 ans passant à la trappe.

Le risque pour le Parti socialiste serait au final de continuer une trajectoire d'abandon des classes populaires, avec un discours plus marqué à gauche sur les questions sociétales et que certains assimilent au "wokisme" des campus américains (défense des groupes minoritaires, notamment en fonction de leur orientation sexuelle, de leur "race" ou encore de leur genre, ndlr). Un discours qui s'adresserait avant tout aux jeunes et moins aux ouvriers et ouvrières.

Pour les analystes, le danger serait donc de se trouver au final sur le même terrain électoral que les alliés verts, qui visent le même objectif, et de continuer ainsi à perdre des plumes, élection après élection.

>> Le sujet de Forum :

Le manque de diversité à la tête des socialistes cantonaux de Suisse romande questionne
Le manque de diversité à la tête des socialistes cantonaux de Suisse romande questionne / Forum / 3 min. / le 30 janvier 2023

>> L'interview intégrale de Cédric Wermuth dans Forum :

Diversité à la tête des partis socialistes: interview de Cédric Wermuth
Diversité à la tête des partis socialistes: interview de Cédric Wermuth / Forum / 7 min. / le 30 janvier 2023

"Le social est au centre de notre politique"

Invité de l'émission Forum lundi, Cédric Wermuth a rejeté l'ensemble du constat. Pour le coprésident du Parti socialiste suisse, il n'y a aucun problème de représentativité pour le parti en Suisse romande. "Ce sont de jeunes hommes qui ont presque toujours repris des postes de femmes. Maintenant, on a un changement de sexe de l'autre côté, c'est la logique au Parti socialiste (...) Il est également faux de dire qu'ils sont tous universitaires. Monsieur Pilloud a par exemple été employé de commerce avant de faire des études... C'est maladroit de lui reprocher ça pour dire qu'il est loin des milieux ouvriers. Et c'est ridicule de reprocher aux personnes de moins de 30 ans de n'avoir pas eu une carrière professionnelle diversifiée", estime-t-il.

Pour celui qui est également conseiller national argovien, ce qui compte n'est pas tant "la biographie" des présidents, mais les propositions qui sont mises sur la table. "Le Parti socialiste vaudois vient par exemple de lancer une initiative populaire pour le salaire minimum cantonal. C'est le social qui préoccupe les gens et qui est au centre de notre politique", ajoute-t-il.

Cédric Wermuth rappelle par ailleurs qu'il est difficile de trouver des candidats pour un poste qui ne donne pas vraiment de pouvoir. "Un président cantonal est surtout quelqu'un qui organise le parti, qui fait de la médiation, du management".

Se réjouissant d'être à la tête d'un parti qui "essaie d'intégrer la jeune génération, de lui faire confiance", l'élu estime enfin que le problème de diversité se voit surtout à la Berne fédérale. "Nous ne sommes pas représentatifs, il y a beaucoup d'avocats et peu de gens qui travaillent à la Migros ou à la Coop. Ce n'est pas de la faute des partis, mais de la manière avec laquelle on conjugue aujourd'hui le monde du travail et le monde politique", conclut-il.

Sujet radio: Xavier Alonso

Propos recueillis par Esther Coquoz

Adaptation web: Tristan Hertig

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