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Des voix discordantes à l'UDC sur la réexportation d'armes suisses vers l'Ukraine

Réexportations d'armes vers l'Ukraine: après le PS, l'UDC vacille à son tour.
Réexportations d'armes vers l'Ukraine: après le PS, l'UDC vacille à son tour. / 19h30 / 1 min. / le 2 février 2023
En Suisse, les fronts politiques semblent en train de bouger très vite sur la définition même de neutralité. Après les socialistes, certains UDC commencent à accepter l'idée d'une réexportation d'armes vers l'Ukraine.

Une commission parlementaire se penche actuellement sur la question et plusieurs élus UDC se disent désormais favorables à de telles exportations. De quoi inquiéter le patriarche du parti, Christoph Blocher.

L'ex-conseiller fédéral s'érige volontiers en garant de la neutralité suisse. Bien que le conflit ne semble pas près de s'éteindre en Ukraine, il reste campé sur ses positions: pas question pour lui que la Suisse accepte que des pays européens réexportent vers Kiev des armes achetées à la Suisse. "Ce serait en contradiction avec la neutralité suisse. Nous n'avons tout simplement pas le droit de livrer des armes à l'Ukraine", explique-t-il.

Vers un changement de politique?

Mais à l'UDC, tous ne sont plus de cet avis. Pour certains pontes, comme le conseiller aux Etats bernois Werner Salzmann, les choses doivent évoluer. "En tant que pays neutre, la Suisse ne peut pas aider l'Ukraine, mais nous ne pouvons plus bloquer les pays qui veulent soutenir ce pays", estime-t-il.

La semaine dernière, c'est le conseiller fédéral Guy Parmelin qui rencontrait l'industrie de l'armement, qui lui demande de faire évoluer la loi pour pouvoir autoriser ces réexportations.

Le risque de perdre des parts de marché

Pour les acteurs de ce secteur et les politiques, le risque est tout simplement de voir les pays européens se fournir en armes ailleurs et de ne plus voir la Suisse comme un fournisseur fiable. A ce titre, les menaces à peine voilées de l'Allemagne à ce sujet semblent avoir pesé dans la balance.

L'industrie de l'armement menacée, un argument qui convainc désormais même au sein des plus fervents défenseurs de la neutralité, comme pour Hannes Germann, conseiller aux Etats UDC schaffhousois. "La question est tout simplement de savoir si nous voulons maintenir ou non une industrie de l'armement en Suisse. Si c'est le cas, il nous faut alors être plus flexibles concernant les exportations", explique-t-il.

Un tournant semble donc possible, même s'il n'est pas encore acté. La direction du parti reste encore officiellement tout à fait opposée à ces réexportations et le Conseil fédéral lui-même s'est prononcé à plusieurs reprises contre, s'appuyant notamment sur une clause de non-réexportation.

>> L'interview de Hannes Germann dans La Matinale :

Le conseiller aux Etats Hannes Germann (UDC/SH), photographié ici en décembre 2022 à Berne. [Keystone - Alessandro della Valle]Keystone - Alessandro della Valle
Réexportation d'armes suisses, interview de Hannes Germann / La Matinale / 59 sec. / le 3 février 2023

Divisions à gauche

A gauche, la direction du PS a changé la semaine passée sa position, disant ouvertement vouloir autoriser l'envoi à Kiev de matériel de guerre suisse vendu aux puissances européennes. Mais les Verts, par exemple, estiment qu'il faut continuer à résister aux pressions.

Le monde des entreprises est aussi partagé. Si l'industrie de l'armement est pénalisée, beaucoup de sociétés disent avoir toujours pu profiter de la neutralité suisse. Le résultat d'un sondage de Credit Suisse publié jeudi le montre très clairement. Les trois quarts des entreprises estiment qu'il est dans leur intérêt de préserver cette neutralité, certaines d'entre elles affirmant même s'être mis des partenaires étrangers à dos en raison des sanctions prises à l'encontre de la Russie.

>> Ecouter aussi dans La Matinale les précisions sur le sondage de Credit Suisse :

Un drapeau suisse vole au vent dans la montagne. [Depositphotos - MarioKrpan]Depositphotos - MarioKrpan
Les entreprises veulent que la Suisse reste neutre, selon un sondage / La Matinale / 2 min. / le 3 février 2023

 Jean-Marc Heuberger/ther

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