Interrogé jeudi par la RSI, le ministre des Affaires étrangères taïwanais souhaite que la Suisse dialogue sans retenue avec Pékin et Taïpei. Joseph Wu appelle par ailleurs à approfondir davantage les relations informelles entre Taïwan et la Suisse, deux pays qui, dit-il, défendent des valeurs identiques.
"Aux yeux des Taïwanais, la Suisse est un modèle de neutralité, on s’attend à ce qu'elle demeure neutre vis-à-vis des grands enjeux internationaux", relève Joseph Wu.
"La Suisse chérit les valeurs fondamentales"
Mais récemment, poursuit-il, "on a aussi vu la Suisse prendre position au sujet de l’invasion russe en Ukraine. Outre la neutralité, la Suisse chérit donc aussi et surtout les valeurs fondamentales de la démocratie, de la liberté, la protection des droits humains, l’Etat de droit, le respect de l’ordre international et la paix".
A partir de ce constat, le ministre taïwanais appelle à une intensification des échanges, du dialogue et de la communication entre les deux pays. "Nous voulons faire prendre conscience à la Suisse de la situation dans cette partie-ci du monde, dans l’espoir qu’elle affiche son soutien envers Taïwan".
Et pour Joseph Wu, c'est en affirmant les valeurs universelles des droits et des libertés fondamentales qui lui sont chères que Berne devrait manifester son soutien envers Taïpei.
S'opposer à "l'attitude agressive de la Chine"
Il s’agirait notamment, pour la Suisse, de se joindre aux appels réguliers des démocraties occidentales en faveur du maintien de la paix et de la stabilité dans le détroit de Taïwan.
Quand les plus hauts dirigeants de la communauté internationale se réunissent, rappelle-t-il, ils s'opposent à tout changement unilatéral du statut quo. "Cela veut dire qu’ils s’opposent à l’attitude agressive de la Chine envers Taïwan. C’est quelque chose auquel la Suisse devrait songer", suggère Joseph Wu.
"Nous respectons votre politique étrangère"
Reste que la Chine n’hésite pas à punir les petits pays qui n’obéissent pas à ses exigences, particulièrement au sujet de Taïwan. Plusieurs font face à des représailles économiques de Pékin en raison de leur récent rapprochement avec Taïpei. C’est le cas notamment de la Lituanie et plus récemment de la République Tchèque, qui ne se laisse pas intimider.
Le ministre des Affaires étrangères de l'île a conscience des enjeux. "Nous respectons la politique étrangère de votre pays et ses principes", précise-t-il tout en ajoutant: "Elle n’empêche cependant pas d’intensifier nos relations. C’est la volonté des Taïwanais et du gouvernement taïwanais."
Certains parlementaires suisses appellent eux aussi à un rapprochement avec Taïwan. Mais le Conseil fédéral a estimé à plusieurs reprises qu'une telle action serait peu utile, voire contre-productive. Pour lui, il n'est pas question de provoquer la Chine dans un contexte de plus en plus explosif autour du détroit de Taïwan.
RSI/Michael Peuker/oang
Visite sans accrocs de cinq parlementaires suisses
La visite privée de cinq parlementaires suisses à Taïwan s'achève vendredi. Ils ont abordé notamment les relations bilatérales entre les deux pays, la question de la neutralité et la Chine.
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Ce déplacement s’est déroulé sans accrocs et Pékin n'a réagi que par la voix de son ambassade à Berne. Celle-ci a condamné un voyage destiné "à rechercher de nouvelles querelles". Elle a rappelé également le "principe d’une seule Chine", doctrine chinoise qui considère Taïwan comme faisant partie intégrante de son territoire.
Mais les parlementaires étrangers sont nombreux à se rendre sur l’île. Des délégations françaises, allemandes, britanniques ou américaines ont ainsi fait le déplacement récemment.
La visite helvétique était donc loin d'être exceptionnelle et la pression s'est avérée plutôt domestique. Une minorité d'élus à Berne s'est ouvertement opposée à ce déplacement. L’UDC Magdalena Martullo-Blocher, notamment, a invoqué à plusieurs reprises l’argument de la neutralité pour condamner tout effort de rapprochement avec Taïwan.