Elle a créé la surprise en se faisant élire à 29 ans au gouvernement vaudois et elle est aujourd'hui la plus jeune conseillère d'Etat de Suisse en exercice: sans expérience politique au préalable, de langue maternelle alémanique, Valérie Dittli a fait les gros titres de la presse le printemps dernier lors de son élection.
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En fonction depuis sept mois, elle semble à l'aise dans son nouveau costume. "Je peux dire simplement que ça me plaît beaucoup. Le travail est super intéressant, avec de multiples défis qui nous attendent", lance-t-elle.
Je suis tellement occupée que je n'ai pas tellement de temps pour changer.
"La charge est là, ce sont de longues journées, c'est intense, il y a de grandes responsabilités", reconnaît-elle tout de même. Mais "je suis toujours la même", assure-t-elle. "Je suis tellement occupée que je n'ai pas tellement de temps pour changer. Et c'était l'un de mes petits buts, de vraiment rester moi-même".
Pas trop touchée par les critiques
Originaire de Zoug, très jeune, la magistrate a dû affronter de nombreuses critiques et de nombreux doutes quant à sa capacité à gouverner sans expérience politique. "D'un côté, je peux les comprendre, pour quelqu'un qui arrive en plus au Département des finances et de l'agriculture", dit-elle en assurant que ces critiques ne l'ont pas trop affectée. "Si une critique me touche, c'est qu'elle est justifiée".
Désormais, les critiques visent l'entier du Conseil d'Etat vaudois, avec le mouvement de protestation de la fonction publique. Il a vécu jeudi son 4e jour de mobilisation, avec pour revendication une entière indexation des salaires au renchérissement.
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"Il faut savoir que l'inflation est un sujet qui ne nous a pas occupé pendant dix ans, depuis 2012", rappelle Valérie Dittli. "C'est quelque chose que l'on voyait venir, mais en même temps on sortait du Covid. C'est une inflation assez particulière". En tant qu'Etat employeur, "ça me touche", souligne-t-elle. "Ce sont des gens qui travaillent, qui sont là pour nous, qui ont un rôle très important dans notre société".
Et ce sont les bas salaires qui sont le plus touchés par l'inflation, ajoute la conseillère d'Etat. "Pour eux, on a trouvé une solution afin de compenser entièrement [le renchérissement] pour 2023".
Penser aussi aux régimes sociaux
Pressée de dire si le gouvernement vaudois allait faire un geste supplémentaire envers les employés et employées de l'Etat, elle refuse de répondre. "On a indexé les salaires de tout le public et le parapublic, on a donné la compensation entière pour les bas salaires jusqu'à 116'000 francs", précise simplement la centriste. "En plus de cela, c'était très important pour nous de pouvoir indexer les barèmes des régimes sociaux. Ce sont aussi des gens qui sont très touchés par l'inflation".
Ce que l'on veut, c'est se concentrer sur des défis plutôt structurels.
"Ce que l'on veut, avec le gouvernement, c'est aussi se concentrer sur des défis plutôt structurels", poursuit Valérie Dittli. "Ce qui est important, c'est de pouvoir mener des réformes dans le secteur de la santé, qui a beaucoup souffert pendant le Covid. Là, on a un problème structurel. Il faut agir, trouver des solutions. Il y a de grands problèmes aussi dans l'éducation sociale. Nous, on aimerait vraiment faire quelque chose là-dedans".
Nécessaire équilibre face aux enjeux
Questionnée sur sa responsabilité personnelle dans la question de l'indexation des salaires, elle souligne qu'il était important à ses yeux de trouver un équilibre correspondant aux enjeux.
"Comme ministre des Finances, je vois l'image dans son ensemble. Le budget 2024 n'est pas évident à construire [dans la situation actuelle]. A côté de l'inflation, il y a des facteurs comme la BNS. C'est un grand challenge pour le canton de Vaud de ne pas avoir de tranche de la BNS dans l'année et potentiellement en 2024", rappelle-t-elle. "Plusieurs facteurs font que l'établissement du budget 2024 se présente comme particulièrement difficile, en sachant que le monde a vraiment changé".
Je vois une génération, même plus jeune que moi, qui a des idées incroyables.
Valérie Dittli doit encore faire ses preuves mais rien ne semble l'angoisser. "La peur n'est pas quelque chose qui doit guider vos actions", relève-t-elle, convaincue que l'on vit un moment charnière pour la société. "Et cela me fait extrêmement plaisir de pouvoir participer à ce changement. Je vois une génération, même plus jeune que moi, qui a des idées incroyables, qui a envie de participer à notre société".
Elle ne veut pas forcément être un modèle pour les jeunes, mais dit essayer "de donner envie à des gens qui sont peut-être un peu dégoûtés" par une certaine politique. "D'avoir du sang neuf, parfois, c'est une bonne chose", poursuit-elle. "J'essaie d'être moi-même, c'est évident que je ne fonctionne pas comme une autre génération. Je vois cela aussi au sein du gouvernement".
Contribuer activement à la société
"On doit aller vers une société dans laquelle on implique tout le monde", dit encore Valérie Dittli. "On a besoin des hommes, des femmes. Et je constate souvent que les femmes amènent des solutions un peu plus créatives. Elles sont un peu plus directes aussi".
Elue à moins de trente ans, elle ne cache pas que le cap a été radical pour elle. "Je dirais que ma vie a changé complètement. Certains moment sont durs, des moments où je me dis: 'si seulement je pouvais avoir mon ancienne vie' (…) Mais pour le moment en tout cas, c'est un plaisir et c'est extrêmement intéressant de pouvoir contribuer activement à notre société".
Propos recueillis par Elisabeth Logean/oang