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Mobbing et harcèlement au travail persistent malgré les progrès dans la prévention

Image du prospectus distribué au CHUV en 2018 pour lutter contre le harcèlement sexuel. Le secteur des soins est particulièrement concerné par ce type de comportements.
Image du prospectus distribué au CHUV en 2018 pour lutter contre le harcèlement sexuel. Le secteur des soins est particulièrement concerné par ce type de comportements.
Le harcèlement, sexuel ou moral, est toujours une réalité en Suisse. Il manque toutefois des études récentes sur l'ampleur du problème. Pour prévenir ces comportements, il existe désormais dans la plupart des branches professionnelles des fiches d'information, des guides, des points de contact et des procédures bien établies.

Près de 28% des femmes et 10% des hommes en Suisse alémanique et romande sont victimes de harcèlement sexuel sur leur lieu de travail au cours de leur vie professionnelle. C'est ce qu'a constaté en 2008 la seule étude réalisée à ce jour en Suisse sur le sujet, sur mandat du Bureau fédéral de l'égalité entre la femme et l'homme (BEFH) et du Secrétariat d'Etat à l'économie (Seco).

L'étude "Harcèlement sexuel en Suisse", publiée en février 2022 par le BEFH et le Seco, constate que le délit pénal de harcèlement sexuel a augmenté de près d'un tiers entre 2015 et 2020, pour atteindre 1435 infractions enregistrées. Une proportion relativement élevée des cas de harcèlement sexuel se produirait sur le lieu de travail. C'est pourquoi des enquêtes spéciales sur le harcèlement sexuel au travail ont été expressément recommandées.

Depuis 2017, le mouvement #metoo a entraîné une sensibilisation croissante à ce sujet. Selon une enquête de Keystone-ATS auprès de différentes branches et de l'administration publique, on ne peut se faire une idée précise de l'actualité de ce thème en Suisse. Les associations professionnelles et les partenaires sociaux ne disposent pas non plus de chiffres fiables sur le harcèlement sexuel au travail.

>> Revoir le sujet du 19h30 sur le harcèlement sexuel des apprentis :

33% des apprentis victimes de harcèlement sexuel sur leur lieu de travail selon un sondage mené par le syndicat UNIA
33% des apprentis victimes de harcèlement sexuel sur leur lieu de travail selon un sondage mené par le syndicat UNIA / 19h30 / 2 min. / le 25 août 2020

De nombreux secteurs

Depuis 2020, des rapports répétés sur le sexisme, le mobbing et le harcèlement dans la branche des médias ont fait parler d'eux. Syndicom et le Syndicat suisse des mass media parlent d'un problème structurel dans de nombreuses entreprises de médias.

Selon les données de l'Enquête suisse sur la santé de 2017, les atteintes à la personnalité et la discrimination sont plus fréquentes dans les secteurs des transports, de la logistique, de la poste, de la santé, du social et de l'administration publique.

>> Ecouter le sujet de Forum sur la récente vague #metoo dans les médias alémaniques :

Vague de MeToo dans les médias alémaniques
Vague de MeToo dans les médias alémaniques / Forum / 2 min. / le 7 février 2023

Domaine de la santé fortement concerné

Dans le secteur des soins, où le contact avec les patients est souvent très étroit et où 85 à 90% des employés sont des femmes, le harcèlement sexuel émane généralement des patients, explique Pierre-André Wagner, de l'Association suisse des infirmières et infirmiers. Le mobbing est également en augmentation dans le secteur des soins, compte tenu de la charge de travail toujours plus importante pour le personnel soignant. "Celui qui dénonce des abus est écarté par la hiérarchie", constate Pierre-André Wagner.

"L'étude de 2008 nous a fourni la base statistique montrant que le harcèlement sexuel est un mal largement répandu, alors qu'auparavant, nous n'en entendions parler dans les soins que par quelques retours anecdotiques", explique Pierre-André Wagner. C'est en réponse à cela qu'a été créé en 2009 le guide "Mais c'était pour rire, voyons", destiné aux infirmières et autres professionnelles des institutions de soins, encore très demandé aujourd'hui.

Toujours plus de demandes d'aide

Les personnes concernées par le sexisme et le harcèlement moral demandent apparemment de plus en plus d'aide. Depuis 2017, les consultations individuelles en ligne dans différentes langues, dont le français, de belästigt.ch suscitent un large intérêt. En 2022, le nombre de demandes a triplé, souligne Aner Voloder, chef de projet au bureau de l'égalité de la ville de Zurich.

L'organisme constate en outre une nette augmentation des demandes émanant d'entreprises, de cadres et de responsables du personnel. En Suisse alémanique, ceux-ci peuvent obtenir des informations sur le site kmukonkret.ch, qui n'a pas d'équivalent en Suisse romande.

Harcèlement caché

Le harcèlement sexuel se produit souvent en cachette et sans témoins. Des études confirment que les chiffres occultes en matière de harcèlement sexuel et de mobbing sont relativement élevés. L'avocate zurichoise Claudia Frische l'explique aussi par le fait que les personnes concernées ne veulent pas s'exposer, par exemple dans le cadre d'une procédure pénale. En outre, les propos sont souvent considérés comme des "blagues" à ne pas prendre à la lettre.

Des enquêtes auprès des collaborateurs pourraient fournir des informations sur d'éventuels problèmes dans les entreprises. L'Office fédéral du personnel (OFPER) demande par exemple tous les trois ans aux collaborateurs de l'administration fédérale, dans le cadre de l'enquête générale auprès du personnel, s'ils sont victimes de harcèlement sexuel ou de mobbing. Cette valeur se situe globalement autour de 1%, affirme l'office. L'administration cantonale bernoise par exemple n'a connaissance d'"aucun cas".

Un tiers des entreprises ont pris des mesures

Reste que la problématique est désormais reconnue. En 2004, selon une enquête représentative de la Confédération dans l'économie privée et l'administration, seul un tiers des entreprises avaient pris des mesures concrètes contre le harcèlement sexuel.

Entre-temps, presque toutes les branches et grandes entreprises disposent d'un aide-mémoire, de règlements et de brochures sur le harcèlement sexuel et le mobbing au travail. Généralement, ils sont aussi disponibles en ligne.

Sur quelques pages ou dans des brochures plus volumineuses, le sexisme et le mobbing y sont condamnés en tant que discrimination. Les points de contact internes et externes, les instances de plainte sont nommés et la procédure et les conséquences en cas de comportement incorrect y sont décrites de manière plus ou moins détaillée.

>> Réécouter l'interview :

Comment lutter contre le mobbing au travail? Interview de Maya Dougoud
Comment lutter contre le mobbing au travail? Interview de Maya Dougoud / Forum / 5 min. / le 29 mai 2022

ats/ami

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Responsabilité des employeurs

Toute personne qui harcèle une femme ou un homme sur le lieu de travail, qui humilie autrui par des paroles, des gestes ou des actes, enfreint le droit. Les employeurs ont l'obligation de protéger leurs collaborateurs contre le harcèlement sexuel sur le lieu de travail et de lutter activement contre ce phénomène.

En Suisse, il n'existe pas d'infraction pénale spécifique au harcèlement moral. Toutefois, certains comportements peuvent tout à fait relever du droit pénal et notamment constituer des infractions de diffamation, calomnie, injure ou menace. Dans ce cas, la personne concernée peut déposer une plainte pénale.

Action préventive et répressive

L'avocate zurichoise Claudia Fritsche conseille aux employeurs de réagir de manière préventive et répressive afin d'empêcher le harcèlement sexuel, le mobbing ou d'autres comportements similaires. Sur le plan préventif, les entreprises devraient notamment créer et maintenir une culture d'entreprise respectueuse dans laquelle de tels comportements ne sont pas tolérés. Si les employeurs ne créent pas un tel environnement, cela peut avoir des conséquences financières en plus d'un préjudice de réputation.

Sur le plan répressif, les employeurs ne doivent pas tolérer un comportement fautif avéré et celui-ci doit entraîner des mesures adaptées à la situation.

Rendre le signalement possible

Claudia Fritsche conseille aux employés victimes de ne pas tarder à exprimer leur malaise et leur désaccord. Il est important, si possible, de montrer soi-même les limites et de faire savoir qu'un certain comportement n'est pas acceptable.

Dans les cas où la victime ne peut ou ne veut pas aborder le sujet avec la personne fautive, son supérieur ou le service du personnel, les employeurs devraient prévoir un service de signalement auquel les personnes concernées, mais aussi les collègues qui observent un dérapage, peuvent s'adresser. "Il est important que ce service dispose des connaissances spécialisées et de la sensibilité nécessaires pour traiter un tel signalement", explique Claudia Fritsche.

Documents disponibles

Des informations sont disponibles pour les responsables du personnel auprès de services fédéraux. Le Bureau fédéral de l'égalité entre la femme et l'homme (BEFH) dispose depuis 2008 de documents pour la formation des responsables du personnel et des cadres. Une nouvelle édition est en cours de planification.

Une actualisation de la brochure du Secrétariat d'Etat à l'économie "Mobbing et autres formes de harcèlement - Protection de l’intégrité personnelle au travail", parue en 2014, est également prévue. De nombreuses associations la recommandent expressément à leurs entreprises membres.