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"L'homme violent ne correspond pas aux clichés qu'on en a", selon Mathieu Palain

Le journaliste Mathieu Palain a publié un livre sur les violences conjugales.
Le journaliste Mathieu Palain a publié un livre sur les violences conjugales. / 19h30 / 6 min. / le 12 février 2023
En Suisse, un sondage révèle que plus de 40% des femmes estiment avoir subi des violences au sein de leur couple. Le journaliste et écrivain français Mathieu Palain publie un livre à ce sujet, intitulé "Nos pères, nos frères, nos amis: dans la tête des hommes violents". Il a répondu aux questions de la RTS dans le 19h30.

Pour son livre, Mathieu Palain s'est rendu pendant quatre ans dans des groupes de parole destinés aux auteurs de violences, ainsi qu'à des auditions judiciaires. Il a eu accès à des histoires et des témoignages puissants, édifiants.

Invité dans la Matinale de France Inter début janvier, il raconte avoir eu "une opportunité en 2018 d'intégrer des groupes de paroles d'hommes condamnés pour violence qui sortaient de prison". "Je voyais ces groupes de parole comme on les voit dans Fight Club, où dans les alcooliques anonymes", explique-t-il.

>> Voir aussi le portait de Mathieu Palain dans le 19h30 de la RTS :

Portrait du journaliste Mathieu Palain
Portrait du journaliste Mathieu Palain / 19h30 / 1 min. / le 12 février 2023

"Je frappe ma femme"

Dans l'émission de Léa Salamé, il présente aussi ses premières interrogations. "Cette phrase-là : 'je frappe ma femme', j'ai réalisé que je ne l'avais jamais entendue, ni à la radio, ni à la TV, ni dans des séries. Cette phrase-là, je ne l'ai jamais entendue parce qu'elle est impossible à prononcer. Le déni est tel que plutôt que de dire 'je frappe ma femme', on trouve plein de justifications pour ne pas le dire".

Le déni est tel que plutôt que de dire 'je frappe ma femme', on trouve plein de justifications pour ne pas le dire

Mathieu Palain, écrivain et journaliste, auteur de "Nos pères, nos frères, nos amis: dans la tête des hommes violents"

"Nos pères, nos frères, nos amis: dans la tête des hommes violents", fait donc suite aux questionnements de Mathieu Palain après la vague #metoo, lorsqu'il se rend compte qu'en 10 ans de journalisme, il n'a jamais écrit une ligne sur les violences faites aux femmes (harcèlements, agressions sexuelles, viols, violences conjugales, féminicides).

Des préjugés tenaces

Invité dans le 19h30 de la RTS, il témoigne notamment de certains préjugés courants sur les hommes violents.

"La première chose qui m'étonne, en étant en contact avec des hommes violents, c'est que - ayant une vision un peu cliché de l'homme violent que je tire du cinéma, des séries télévisées, la vision d'un homme forcément moins intelligent, moins éduqué, un peu bas de plafond, alcoolique -, quand j'arrive dans ces groupes de parole, je réalise que ces hommes me ressemblent."

Quand j'arrive dans ces groupes de parole, je réalise que ces hommes me ressemblent

Mathieu Palain, écrivain et journaliste, auteur de "Nos pères, nos frères, nos amis: dans la tête des hommes violents"

"On a beaucoup de points en commun. C'est surtout ça qui me choque et qui m'étonne le plus (...) Ce sont des gens qui sont extrêmement bien insérés dans notre société. Toute la complexité est d'accepter que l'homme violent ne correspond pas aux clichés qu'on en a, et que c'est quelqu'un qui peut être extrêmement intelligent, drôle... et violent", ajoute-t-il.

Violence des gestes, violence des mots

Et quand le journaliste et écrivain demande finalement à ces hommes pourquoi ils frappent, ils répondent: "parce qu'elle n'avait pas fait à manger", "parce qu'elle n'avait pas envie de coucher avec moi", ou encore "elle l'a mérité, parce qu'elle a fait du bruit".

Elle l'a mérité, parce qu'elle a fait du bruit

Auteur anonyme de violences sexistes

Et la violence n'est pas que physique, elle passe aussi par les mots, les "ferme ta gueule" ou "ferme ta gueule de conne", comme le relève Mathieu Palain dans son ouvrage.

Profil type de l'homme violent

"L'image que l'on a de l'homme violent pervers narcissique, manipulateur, qui tire une jouissance de sa propre violence et de la souffrance de l'autre, il existe, bien entendu, mais ça n'est pas la majorité", développe le journaliste.

D'après les travaux d'une experte psychiatre auprès de la cour d'appel de Lyon, des travaux cités dans l'ouvrage de Mathieu Palain, "l'immense majorité des hommes violents sont des hommes 'immatures', dans le sens où ils ne sont pas capables de se mettre autour d'une table pour essayer de régler un problème, et réagissent de manière extrêmement immature, infantile presque".

L'immense majorité des hommes violents sont des hommes "immatures", incapables de se mettre autour d'une table pour régler un problème

Mathieu Palain, écrivain et journaliste, auteur de "Nos pères, nos frères, nos amis: dans la tête des hommes violents"

Certains hommes interrogés par Mathieu Palain ont aussi l'impression d'être les grandes victimes des évolutions contemporaines de la société portées par les mouvements féministes, des hommes qui se sentent parfois déclassés, parfois en danger, et parfois même victimes d'un complot. "Les femmes veulent se venger. Elles ont repris le pouvoir. Elles sont à la tête de la justice," se plaignent certains d'entre eux lors de leurs séances de parole.

Espoir de changement

A la question de savoir si on peut guérir ces hommes de leur violence, Mathieu Palain dit voir un "espoir". "Le problème, c'est que la prison ne sert pas à changer les hommes, elle sert uniquement à les punir", regrette-il.

La prison ne sert pas à changer les hommes, elle sert uniquement à les punir

Mathieu Palain, écrivain et journaliste, auteur de "Nos pères, nos frères, nos amis: dans la tête des hommes violents"

"Donc, il faut mettre des choses en place, pour qu'ils puissent se regarder, plonger en eux aussi pour savoir d'où vient cette violence - et on voit qu'elle vient rarement de nulle part. Et donc, il faut avoir la volonté de changer et engager un travail", ajoute-t-il.

"Il y a des groupes de parole qui existent. C'est très bien. Mais ça n'est clairement pas la solution qui va permettre de passer d'un problème avec des centaines de milliers d'hommes violents à une société égalitaire où les hommes et les femmes pourraient se regarder en face, d'égal à égal. Mais il est possible, j'espère, de faire quelque chose," déclare-t-il aussi.

Finalement, Mathieu Palain nous invite à "changer le système". Selon lui, "il faut que nous, on se regarde tous, et que l'on essaie de ne pas enfermer les enfants dans des rôles, dès le plus jeune âge, des rôles qui conduisent les garçons à dominer et prendre le pouvoir, et les filles à s'effacer et rester soumises".

Propos recueillis par Jennifer Covo

Sujet TV: Chloé Steulet

Adaptation web: Julien Furrer

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