La compagnie ferroviaire recense depuis dix ans les flux de voyageurs avec des caméras. Cependant, dès septembre 2023, un dispositif plus perfectionné devrait être mis en place dans les grandes gares de Suisse.
Selon Ktipp, qui se serait procuré l'appel d'offres, les caméras détailleraient le chemin emprunté dans la gare par chaque voyageur. Elles détecteraient aussi son âge, ses bagages et sa taille, mais surtout les trajectoires et les dépenses effectuées dans les boutiques.
Augmenter les dépenses?
Le but serait d'augmenter les achats des passagers dans les magasins. En effet, quand le chiffre d'affaires des commerçants augmente, le loyer perçu par les CFF s'élève également.
De leur côté, les CFF ne confirment pas les conclusions de KTipp et défendent une amélioration du service client et de la sécurité dans les gares. Les données ne permettraient pas non plus de remonter aux individus afin de rester en conformité avec la loi sur la protection de ces derniers.
Un projet "à haut risque"
Pour Adrian Lobsiger, préposé fédéral à la protection des données, il s'agit d'un "projet à haut risque", notamment en ce qui concerne l'identité des passagers. "Une réidentification des passagers, non envisagée [par les CFF], est un risque lié à ce projet", a-t-il souligné jeudi dans Forum. Il confirme au passage avoir été averti en amont par l'ex-régie fédérale et lui a demandé d'établir une analyse d'impact.
A Berne, certains parlementaires évoquent une forme d'espionnage. Ce type de projet est "relativement courant dans la réalité numérique, c'est clair", convient Adrian Lobsiger. Mais "ces buts, qui ne sont pas envisagés, ne doivent pas se réaliser", avertit-il. Ce sont justement les analyses d'impact commandées qui doivent s'assurer qu'il n'existe pas de danger d'identification personnelle pour la clientèle.
Pour l'experte en cybersécurité Lennig Pedron, invitée jeudi sur le plateau du 19h30, il faut surtout qu'un débat sur les avancées technologiques et leur impact sur la société puisse avoir lieu en Suisse. Risque-t-on de voir ici aussi, d'ici quelques années, émerger un modèle à la chinoise, où tout citoyen est identifié dans l'espace public?
"Ce sont des modèles qui font très peur, qui sont extrêmes", reconnaît-elle, même si elle ne voit pas une telle évolution se profiler dans notre pays. "Mais nous ne devons pas laisser des choses passer. Il faut vraiment se poser des questions et mettre la discussion en route au niveau du public", plaide Lennig Pedron.
Sujet et interview radio: Noriane Rapin et Renaud Malik
Adaptation web: mera/iar/vic
Des parlementaires manifestent leur opposition
Côté politique, on exprime son désaccord à ce propos. Plusieurs parlementaires fédéraux demandent aux CFF d’abandonner ce projet.
“Le risque et le danger, c’est que les données soient mal exploitées. Que les caméras soient hackées ou qu’on utilise ses données pour identifier les gens. Mais aussi que les gens n’ont pas consenti à être traqués dans leurs achats”, relève Samuel Bendahan (PS/VD) dans le 19h30.
A droite aussi, on pense que la compagnie ferroviaire doit renoncer. Pour Olivier Feller (PLR/VD), "les CFF se comportent un peu comme certaines grandes multinationales cotées en bourse, qui aiment exploiter les données de leurs clients. Mais il se trouve que les CFF sont une entreprise qui appartient à la Confédération, subventionnée par les contribuables et je crois que les passagers ne veulent pas être reconnus."