En Suisse, l'Afghanistan a été le pays le plus représenté parmi les requérants d'asile en 2022, avec plus de 7000 demandes, dont beaucoup de mineurs non accompagnés (RMNA). Ce chiffre a explosé depuis la prise de pouvoir du régime des talibans en août 2021.
Aîné d'une fratrie de cinq enfants, Ahmed Bahrami a fui Kaboul à l'âge de 15 ans. C'est après un dangereux périple de 5000 km, de la Grèce à la Turquie, qu'il trouve refuge dans un foyer fribourgeois. L'adolescent y revient sur son douloureux parcours. "J'allais à l'école à Kaboul. Pendant les cours, le bâtiment a été bombardé. J'ai perdu mes camarades de classe dans l'explosion et j'ai été moi-même gravement blessé", témoigne-t-il.
Ahmad a perdu la quasi-totalité de son ouïe dans l'explosion. Pour le protéger et dans l'espoir d'un avenir meilleur, ses parents l'envoient demander l'asile en Europe. Ses proches sont tous restés sur place. "Le voyage était dangereux. Les policiers nous ont attrapés en passant la frontière turque. Ils ont frappé les adultes qui étaient avec nous. Comme j'étais un enfant, j'ai évité les coups … J'ai eu de la chance", poursuit-il.
Loin des siens
Aujourd'hui il partage sa vie avec 90 autres jeunes, tous requérants d'asile. Pour ces adolescents, l'arrivée en Suisse n'est pas forcément facile. "Ma vie en Afghanistan me manque, parce que toute ma famille est là-bas. Mes frères et sœurs me demandent quand j'envisage de revenir. Et ça me fait mal. Ils me manquent beaucoup", confie Ahmad.
Entre solitude et mal du pays, ces jeunes se sentent souvent démunis. "Les familles veulent que leurs enfants aient une vie plus favorable. Ils rêvent qu'ils fassent de grandes études, de les soutenir financièrement… Cela peut engendrer quelques déceptions, car ce sont des choses difficiles à mettre en place rapidement. Beaucoup de jeunes au foyer décident de ne pas raconter à leur famille les difficultés et les désillusions qu'ils rencontrent ici ", explique Emilie Roulin, curatrice d'Ahmad et intervenante en protection de l'enfant.
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Foyers saturés
Cet afflux sans précédent de mineurs non accompagnés met les foyers sous pression. Les réseaux d'accueil et d'accompagnement fonctionnent à flux tendu. L'année dernière, un jeune homme de 18 ans, Ali Reza, originaire d'Afghanistan, se suicidait au foyer de l'Étoile, à Genève. Une mort qui a suscité une grande vague d'émotion, tant au sein de la communauté afghane qu'auprès de toutes celles et tous ceux qui accompagnent des requérants mineurs non accompagnés en Suisse romande.
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"Ces jeunes subissent souvent un parcours migratoire traumatique. Et c'est souvent quand ils arrivent ici, qu'ils sont en sécurité, que les traumatismes remontent à la surface. C'est un élément important que nous devons prendre en compte dans la prise en charge", détaille René Thomet, travailleur au sein "d'Envole-moi", programme d'encadrement et d'intégration pour RMNA à Fribourg.
Aujourd'hui, le canton compte près de 700 jeunes entre 16 et 25 ans relevant de l'asile. Près de 93% de ces jeunes sont en formation, en emploi ou en mesure d'intégration, et donc bien engagés sur le chemin de l'autonomie.
Malgré toutes les difficultés, Ahmad est reconnaissant d'être en Suisse et rêve de devenir dentiste. "Je sais que cela va être plus difficile pour moi, que je dois travailler dur, mais je vais quand même essayer de devenir docteur", conclut-il.
Sujet TV: Clémence Vonlanthen
Adaptation web: Sarah Jelassi