Marié aux oeufs, glissé dans les salades ou ajouté aux plats directement durant le repas, l'Aromat est un incontournable des cuisines helvétiques. Souvent présent sur les tables des restaurants pour remplacer le sel, ce condiment légendaire traverse les époques et les changements d'habitude.
L'histoire de l'Aromat a commencé en 1952 à Thayngen, dans le canton de Schaffhouse: c'est dans ce village que Walter Obrist, un cuisinier qui travaillait pour le groupe Knorr, a mis au point la recette d’un nouveau condiment. D'abord nommé "Extrait de plantes", ce nouveau produit est ensuite commercialisé sous le nom d'Aromat en 1953.
Très vite, il est devenu une star, même si d'aucuns dénigrent son goût trop reconnaissable ou son utilisation irraisonnée. "Ce produit est connu dans toute la Suisse, quoique dans une moindre mesure au Tessin; même les personnes qui n’en utilisent pas chez eux ont eu l’occasion de voir, ne serait-ce qu’au café, la célèbre boîte jaune et verte à couvercle rouge", relève Patrimoine suisse sur son site internet.
Une recette qui ne change pas
Depuis près de trois quarts de siècle, la recette est restée quasiment la même. C'est un secret industriel, mais on sait que l'Aromat provient de la déshydratation de plusieurs ingrédients. Il contient du sel, des épices, des extraits de légumes, des graisses et du glutamate, un exhausteur de goût.
Et malgré ce vénérable anniversaire, cela ne devrait pas changer. "Il n'y aura pas de révolution", confie Daniel Lötscher, directeur pour Unilever-Knorr sur le site de Thayngen, samedi dans le 19h30. "En 70 ans, l'Aromat a un peu évolué au niveau de sa composition. Mais pour nous, il est important d’utiliser en priorité des ingrédients suisses."
Le fait que l'Aromat rappelle des souvenirs d'enfance, des repas au restaurant ou chez grand-maman, contribue aussi à sa popularité. Il s'en produit d'ailleurs 3000 tonnes par an.
"Cela me rappelle ma troisième année à l’école. A Pâques, on mangeait des oeufs à la coque et on les recouvrait complètement avec de l’Aromat. C'était comme manger de l’or jaune, on ne pouvait plus s’arrêter, c’était vraiment trop bon", se souvient Ivo Adam, chef-cuisinier à Berne.
De nouvelles habitudes alimentaires
Mais l'Aromat survivra-t-il aux nouvelles habitudes alimentaires? L'Organisation mondiale de la santé fait la chasse aux sels et même si ce sel-là ressemble à de la poudre d'or, cela reste du sel, une substance qui diminue peu à peu dans les assiettes.
Quant au glutamate, cette substance n’a également plus la cote auprès des consommateurs et consommatrices et cela se ressent au niveau des ventes. Si les fidèles continuent de glisser la petite boîte dans le panier des courses, d'autres la boudent: en dix ans, la production d’Aromat a baissé de près de 30%.
Pour Stefan Vogler, expert en marketing, les nouvelles générations ont tendance à se méfier des aliments industriels et l'Aromat en fait partie. "C'est le problème de l’Aromat aujourd’hui. Il existe une version bio, mais cela ne changera pas grand-chose."
Ainsi, après 70 ans de succès, l’Aromat va-t-il prendre sa retraite? Rien n'est moins sûr, tant le goût d'un oeuf au plat est, pour certains, insipide sans une touche de ce condiment.
Sujet TV: Jean-Paul Cateau avec SRF
Adaptation web: Frédéric Boillat