Martin Candinas: "Je ne crois pas que le débat sur la réexportation d'armes va changer la Suisse"
Assureur de métier, Martin Candinas est un double symbole de la Suisse: premier citoyen du pays, il peut également se targuer de parler couramment les quatre langues nationales. Et il s'affirme en tant que farouche défenseur de la préservation du romanche.
Par ailleurs, selon les journalistes grisons qui le connaissent bien, c'est un véritable politicien suisse dans l'âme. "C'est quelqu'un de sympathique, capable de s'entendre avec des gens de gauche comme de droite", salue l'un d'eux. "Il cherche toujours le débat productif, jamais agressif", souligne une autre, rappelant qu'il reste conservateur sur les sujets de société, notamment sur le mariage homosexuel.
Pas de déplacement prévu à Kiev
Alors que la guerre venait d'éclater, la précédente présidente du Conseil national Irène Kälin s'était rendue en avril à Kiev, en compagnie d'une délégation parlementaire, pour y témoigner sa solidarité envers le peuple ukrainien. Un tel déplacement n'est pour l'heure pas à l'agenda de son successeur. "Mais pourquoi pas", affirme ce dernier dimanche dans le 19h30.
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"Pour le moment, je n'ai pas reçu d'invitation. Mais si j'en reçois une, et s'il y a une bonne occasion d'y aller, alors je vais y aller", dit-il. "Mais on peut aussi montrer de la solidarité sans forcément y aller."
"Nos alliés connaissent la Suisse"
Alors que la session de printemps verra le Parlement se saisir de la question sensible des réexportations d'armes suisses vers l'Ukraine, Martin Candinas se montre serein sur les enjeux de ce débat qui touche pourtant à la neutralité - et donc à une partie de l'identité - helvétique.
"Je ne crois pas que ce débat va changer la Suisse. On discute déjà depuis des décennies sur le sujet de l'exportation des armes. On a décidé il y a un an et demi de donner moins de marge de manoeuvre au Conseil fédéral. Et maintenant, si le Parlement veut changer la loi, on peut changer. Mais moi, je suis plutôt l'arbitre que le joueur dans ce jeu", rappelle le premier citoyen du pays.
Par ailleurs, il estime que la Suisse ne risque pas de se mettre certains partenaires à dos à cause de cette question. "Nos alliés connaissent la Suisse, ils connaissent le système politique. Mais c'est un sujet délicat, le Parlement va prendre une décision et si elle ne va pas, le peuple pourra la changer."
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La proximité avec les élus, une force de la Suisse
Interrogé sur la récente alerte mardi au Palais fédéral à Berne, qui a été évacué en raison du comportement suspect d'un individu, et sur les critiques émises à l'encontre du protocole de sécurité, Martin Candinas s'agace que cette question soit devenue un débat médiatique. "Je ne savais pas qu'on avait autant d'experts en sécurité au Parlement", plaisante-t-il en réponse aux critiques.
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Je vais continuer de me déplacer dans toute la Suisse avec nos transports publics!
"Plus sérieusement, c'est clair qu'il y a des choses qui n'ont pas bien fonctionné. Maintenant, il faut les analyser en détail et il faut prendre des mesures. Je vais y veiller. Mais je trouve que cette discussion n'a rien à faire dans les médias, on doit l'avoir dans la délégation administrative."
Et alors que le nombre de menaces envers des élus ou élues politiques a augmenté ces dernières années, le Grison a rappelé son attachement à maintenir la proximité directe avec la population. "Je vais continuer de me déplacer dans toute la Suisse avec nos transports publics", clame-t-il.
"Je ne crois pas" que ce modèle suisse soit menacé, estime-t-il. "Mais il faut lutter pour pouvoir continuer de prendre les transports publics, et ne pas aller dans des limousines comme nos collègues dans d'autres pays. Je crois que c'est la force de la Suisse et que c'est le devoir de toute la société de veiller à ce que ça reste comme ça. Grâce à ça, avec notre démocratie directe, personne n'a trop de pouvoir dans notre pays."
Propos recueillis par Fanny Zürcher
Texte web: Pierrik Jordan
Fervente défense du Romanche
Parlé par 60'000 personnes, soit 0,5% de la population suisse, le romanche se fait de plus en plus rare. Mais Martin Candinas ne veut pas entendre parler de disparition: "Cela fait 300 ans qu'on dit que la langue va mourir. Elle vit encore, et je suis sûr qu'elle va aussi être encore présente dans 300 ans."
Selon lui, "c'est le devoir des 60'000 Romanches de continuer à la parler et de sensibiliser, pour que des personnes qui ne parlent pas encore le Romanche apprennent cette langue. Il y a des possibilités pour apprendre le Romanche", souligne-t-il, évoquant notamment la digitalisation qui créera "davantage de possibilités pour apprendre notre belle langue".