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L'agriculture se tourne de plus en plus vers les assurances pour les récoltes

La Confédération veut encourager les agriculteurs à contracter des assurances pour se protéger de la météo
La Confédération veut encourager les agriculteurs à contracter des assurances pour se protéger de la météo / La Matinale / 4 min. / le 20 février 2023
Entre le gel, les fortes pluies et la sécheresse, de nombreuses exploitations ont vu leur récolte être ravagée. Face à ces phénomènes climatiques à grande échelle, la Confédération veut encourager les agriculteurs à contracter des assurances, en finançant jusqu’à 30% du montant des primes.

Seulement 12% du vignoble suisse est couvert par une assurance contre le gel et ce taux descend à 5% pour les arbres fruitiers. Concernant la sécheresse, la couverture est également relativement faible: un dixième seulement de la surface des grandes cultures est protégé.

Ce taux plutôt bas s'explique par le prix de l'assurance, jugée trop chère par beaucoup d'agriculteurs et agricultrices au vu des risques. Ceux-ci ne sont pas les mêmes partout et dépendent de la taille de la ferme, de son exposition, des moyens de luttes à disposition.

La diversification ou non d’une exploitation joue aussi un rôle. Les effets d'une vague de gel ou de sécheresse diffèrent entre les cultures et même entre les variétés d'une même culture. Plus une ferme est diversifiée, moins la perte d'une plantation aura de répercussions financières.

Augmentation des demandes

Les demandes d'assurance sont à la hausse, selon Suisse Grêle, la société suisse d’assurances agricoles. Plusieurs paysans ont franchi le cap après avoir subi de gros dégâts. Nicolas Heuberger, arboriculteur sur la Côte vaudoise, a été touché deux ans de suite par le gel. Il a perdu jusqu'à 80% de sa récolte.

"Une année, c’est supportable, car on peut utiliser nos épargnes, mais deux ans ça fait beaucoup," explique-t-il lundi dans La Matinale.

Pour lui, l’assurance gel sert à assurer l'investissement matériel pour la protection lors de nuits glaciales. "Et cela sert également à assurer une partie de mon revenu qui aurait dû être généré par la récolte de mes fruits."

>> A relire : Les assurances craignent une multiplication des phénomènes liés au dérèglement climatique

Collaborer avec les privés

Actuellement, en cas d'importante catastrophe, la Confédération et les cantons peuvent dédommager les agriculteurs et agricultrices. Mais Grégoire Tombez, spécialiste de la gestion des risques agricoles, pointe une limite: le système actuel intervient après les événements climatiques et souvent dans la panique.

"Ça pose beaucoup de problèmes sur la gestion des budgets, sur l’allocation des indemnités en fonction des différentes branches, secteurs et zones géographiques. Une approche proactive de la gestion du risque permet d’avoir un système plus adapté, plus réactif et plus précis, lorsqu’une calamité arrive", explique le spécialiste.

Berne veut désormais encourager les paysans à contracter une assurance privée, en finançant jusqu’à 30% du montant des primes. Même s'il est difficile d'estimer leur effet, Grégoire Tombez est convaincu par le cofinancement des assurances agricoles pour gérer les risques climatiques, tant que la Confédération contrôle le niveau des primes. Au risque sinon que les assureurs profitent de cette manne financière pour augmenter leurs tarifs et empocher l'argent public.

C’est juste une assurance pour le porte-monnaie des paysans, mais on n’a quand même pas à manger.

Donat Capaul, agriculteur et membre de l'Association des petits paysans

Un cofinancement qui divise

L’Union suisse des paysans milite pour cette mesure depuis des années. Mais l'Association des petits paysans s’y oppose fortement. Selon Donat Capaul, agriculteur du Jura bernois et membre du comité, l’argent public ne doit pas soutenir un instrument qui ne s'attaque pas au fond du problème.

"C’est juste une assurance pour le porte-monnaie des paysans, mais on n’a quand même pas à manger," regrette-t-il. Pour lui, un système d'assurance subventionnée favoriserait l'agriculture industrielle. Alors que pour assurer l'approvisionnement, la Confédération devrait plutôt encourager la diversification des cultures et l'utilisation de variétés plus résistantes.

Malgré cette opposition, ce cofinancement par Berne devrait passer facilement la rampe du Parlement. La mesure devrait coûter quelques millions de francs par an à la Confédération.

>> Revoir le grand débat sur les assurances pour les récoltes sur Forum :

Le débat – Intempéries: faut-il une assurance récoltes?
Le grand débat - Intempéries: faut-il une assurance récoltes? / Forum / 21 min. / le 5 août 2021

Sujet radio: Valentin Emery

Adaptation web: Raphaël Dubois

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