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Plans climat: à chaque canton sa cuisine

Les cantons élaborent des plans pour atteindre la neutralité en carbone d'ici 2050. [Keystone - Salvatore Di Nolfi]
Les cantons élaborent des plans pour atteindre la neutralité en carbone d'ici 2050 / La Matinale / 2 min. / le 21 février 2023
La neutralité carbone est prévue pour 2050. Selon le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), cette échéance est cruciale pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré. Pour atteindre cet objectif, les cantons suisses s’organisent localement en élaborant des "Plans Climat".

Même face au climat, le fédéralisme suisse se montre dans toute sa splendeur. Quelques cantons font le pari de la neutralité carbone plus tôt que les autres. C’est le cas de Neuchâtel et du Valais.

Alors que Vaud, Fribourg et Genève prévoient déjà de franchir un premier pallié en 2030. Pour cette échéance, ils ambitionnent de réduire les émissions de CO2 de moitié.

Genève se dote d'un budget record

En termes d'ambitions financières, avec un budget de 6 milliards de francs sur 10 ans, Genève bat tous les autres cantons. Chaque année, le canton investira près de 1200 francs par habitant. Soit presque 100 fois plus que le canton de Fribourg qui prévoit une dépense de 16 francs par habitant.

Ces disparités de budget dépendent "des différences de sensibilité et des contextes différents, de la croissance économique et de l'importance pour le canton des secteurs qui sont particulièrement touchés par le réchauffement climatique", explique Philippe Thalmann, professeur d'économie, directeur du laboratoire d'économie urbaine et de l'environnement à l'EPFL et membre du comité scientifique qui accompagne le plan du Valais et de Fribourg, au micro mardi de La Matinale.

Ces budgets inégaux "ne reflètent pas vraiment une réalité", ajoute par ailleurs Philippe Thalmann. En effet, Genève y englobe toutes les dépenses liées, de près ou de loin, au climat. "Il faudrait donc plutôt comparer l'argent additionnel qui a été débloqué pour des mesures qui n'auraient pas eu lieu sans ce plan climat". Ce qu'il estime être "assez peu la plupart du temps".

En termes d'objectifs, la plupart des cantons souhaite réduire à deux tonnes les émissions de CO2 par habitant et par année. Concrètement, les mesures prises concernent notamment l'assainissement des bâtiments, la promotion des transports publics, ou encore la réduction de la consommation de la viande. Ces efforts restent malgré tout "insuffisants en l'état" pour réussir à diminuer de 90% nos émissions carbone d'ici à 2050 selon Philippe Thalmann.

>> Ecouter l'interview de Philippe Thalmann dans La Matinale :

Philippe Thalmann, professeur d'économie et directeur du laboratoire d'économie urbaine et de l'environnement de l'EPFL. [Keystone - Peter Klaunzer]Keystone - Peter Klaunzer
Analyse des plans cantonaux pour le climat: interview de Philippe Thalmann / La Matinale / 6 min. / le 21 février 2023

Certains cantons à la traîne

Mais certains cantons n'ont pas encore de feuille de route. Celle du Valais est en cours d'élaboration. Berne y travaille, mais rien n'est attendu avant 2025. Alors qu'au Tessin et dans le Jura, les mesures sont en consultation.

Cela ne signifie pas pour autant que ces cantons sont à la traîne et qu'ils ne faisaient rien jusque-là. Par exemple, depuis plusieurs années, à Berne, Fribourg et Neuchâtel, chaque nouveau bâtiment public ou nouvelle rénovation doit répondre aux normes Minergie.

Une faisabilité différente

Les cantons ont tous le même point de départ: l'accord de Paris qui de toute façon devra être respecté au plus tard en 2050. Mais "certains ont été plus ambitieux en se fixant des objectifs de neutralité en 2040", félicite le spécialiste.

"Se donner des objectifs c'est une chose mais il faut aussi se donner les moyens d'y arriver et c'est là qu'il faut trouver le juste équilibre entre une ambition nécessaire et un pragmatisme par rapport à ce que l'on peut faire passer devant son parlement selon sa composition politique", ajoute-t-il.

Pourtant, une harmonisation des plans climat au niveau des cantons ne semble pas être une solution pour atteindre les objectifs nationaux selon Philippe Thalmann. "Je pense qu'à ce stade, nous avons plutôt besoin d'innovation. Il ne faut pas oublier que les cantons n'ont pas les mêmes secteurs prioritaires: pour certains c'est l'agriculture et pour d'autres, le tourisme, qui est un secteur très affecté par le changement climatique et émetteur indirectement aussi. Donc c'est logique que chaque canton fixe ses priorités différemment et trouvent des solutions distinctes", conclut-il.

Célia Bertholet/miro et juma

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