"Nous manquerons d'eau en été" à cause de la sécheresse hivernale, craint un hydrogéologue

Pas de pluie, pas de neige, mais à la place de magnifiques ciels bleus. Telle est la météo du moment en Suisse et ailleurs en Europe. Pourtant, le mois de février est généralement plutôt habitué à un temps froid et humide avec beaucoup de précipitations.

En Suisse, il n'a pas plu depuis plus d'un mois et l'état des nappes phréatiques inquiète les spécialistes qui parlent de sécheresse hivernale.

"Cet hiver, nous manquons beaucoup plus d'eau que les hivers précédents. La quantité de précipitations tombées équivaut à la moitié de ce qui était tombé les années passées", constate Grégoire Mariethoz, hydrogéologue de formation et professeur à l'institut des dynamiques de la surface terrestre à l'UNIL, dans La Matinale mardi.

Un été difficile en prévision

Si cette rareté de précipitations ne semble pas poser de problèmes au quotidien, elle entraîne des difficultés sur l'été à venir.

"Normalement les aquifères, les ressources d'eau souterraines, se rechargent en hiver", explique le spécialiste. Donc même s'il pleut beaucoup en été, "ça ne suffira pas, car l'eau de pluie s'évapore en touchant le sol". En effet, elle est aussitôt "captée par la végétation qui l'utilise pour grandir et l'empêche donc d'aller en sous-sol".

Concrètement, "s'il ne pleut pas assez en hiver, les nappes phréatiques ne se rechargent pas assez et on manquera d'eau en été".

>> Lire aussi : Le niveau au plus bas des nappes phréatiques devient préoccupant

Le réchauffement climatique en cause

Un constat difficile à faire à l'oeil nu et qui pourrait laisser penser, à tort, que la Suisse ne manque pas d'eau.

"C'est vrai que la Suisse a beaucoup d'eau, donc on ne s'attend pas à ce qu'elle en ait moins à cause du réchauffement climatique. Les prédictions climatiques estiment qu'il pleuvra à peu près autant qu'aujourd'hui, mais moins en été et plus en hiver, ce qui est paradoxal avec cette année. Les modèles nous disent aussi que d'année en année, les précipitations varieront beaucoup en quantité et en durée. C'est-à-dire que nous connaîtrons des périodes très sèches suivies de périodes pluvieuses. Ça, c'est une conséquence directe du réchauffement climatique."

Mieux que ses voisins

Grégoire Mariethoz propose d'économiser de l'eau grâce à des "systèmes de recyclage d'eau" et de "réutiliser les eaux grises". Tout ça "sur le long terme" pour pallier les sécheresses futures.

La situation doit tout de même être relativisée par rapport à nos voisins selon l'hydrogéologue. En Suisse, nous ne manquons pas d'eau potable grâce à nos montagnes alors que la France compte beaucoup de "grandes étendues plates avec peu d'eau". Elle est donc obligée de prendre des "mesures extrêmes" (lire encadré).

>> Lire aussi : En France, des maisons se fissurent à cause de la sécheresse des sols

Parmi les pays limitrophes, la France et l'Italie sont particulièrement touchées par ce manque d'eau. En conséquence, il pleut des restrictions.

>> Lire aussi : Un îlot du lac de Garde, symbole de la sécheresse frappant l'Italie

Mais en Suisse aussi, quelques habitudes pourraient être modifiées bien que les "montagnes, barrages et glaciers ont un rôle de réservoir d'eau permettant d'avoir des débits résiduels dans les rivières et de limiter la sécheresse directe".

Pas de manque d'eau potable

La seule région en Suisse qui pourrait nécessiter une attention particulière est le Jura. "Comme c'est une région karstique avec une roche qui contient beaucoup moins d'eau, le Jura a une ressource en eau plus fragile", justifie le spécialiste.

Enfin, si les systèmes actuels ne parviennent plus à couvrir les besoins de la population en eau, il faudra "creuser des puits plus profonds pour atteindre les aquifères plus bas, trouver d'autres alimentations en eau et pomper dans les lacs comme c'est déjà le cas". "Mais nous ne manquerons pas d'eau potable", rassure Grégoire Mariethoz.

Propos recueillis par Valérie Hauert

Adaptation web: Julie Marty