C’est un débat sur la politique familiale très attendu sous la Coupole. Le Conseil national doit examiner mercredi un projet de subvention visant à accorder 770 millions de francs par an aux structures d’accueil extra-familial. Une subvention de la Confédération qui permettrait d’alléger la facture des crèches de 20%, quel que soit le revenu des parents.
Selon certains spécialistes, la subvention des crèches serait l’une des mesures pour résoudre "la pénalité de maternité", terme qui désigne la perte de salaire subie par la mère - dû à l’abaissement de son taux de travail - après la naissance du premier enfant.
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Plus grande liberté pour les femmes
Une réalité partagée par beaucoup de femmes en Suisse, où seuls 13% des pères travaillent à temps partiel, contre 78% des mères. C’est le cas de Mélina, factrice à la Poste, qui a dû réduire son taux à 60% dès l’arrivée de son deuxième bébé. "J’aurais voulu continuer à 80%, mais mes parents ne pouvaient plus s’en occuper et mon mari ne pouvait pas baisser son taux car il est responsable d’équipe", témoigne-t-elle. "Mon salaire a diminué d’environ 1200 francs par mois. C’est vrai qu’avec un temps partiel on est moins confortable financièrement, on s’autorise moins de loisirs. Sans compter qu’il faut payer la crèche en plus. Je crains un peu l’avenir. Je sais que ça sera difficile de retrouver le même taux qu’avant", ajoute-t-elle mardi dans le 19h30.
Pédopsychiatre à Neuchâtel, Isabelle a aussi réduit son activité professionnelle de 100 à 70% à la naissance de son deuxième enfant. "C’était un choix personnel. J’avais envie de réduire mon taux et d’être plus présente pour mes enfants", explique-t-elle. "Mais c’est vrai qu’on vit dans une société où culturellement ce sont les femmes qui baissent leur taux et qui sont pénalisées. Les postes à responsabilité sont souvent accessibles seulement à de hauts pourcentages", conclut-elle.
Les crèches ne peuvent pas tout
Une subvention pour des crèches donnerait-elle plus de liberté aux femmes? Une récente étude relayée par la NZZ am Sonntag, menée par l’économiste zurichois Josef Zweimüller et son équipe, démontre le contraire. Selon les recherches, les crèches subventionnées n’ont pas forcément d’influence sur l’activité professionnelle des mères.
Les chercheurs ont disposé de données provenant d’Autriche, qui pratique depuis longtemps une politique généreuse en matière de crèches. Le pays dépense plus de 2,5 milliards d’euros par an pour financer des places de garde d’enfants. "Nous avons mesuré au niveau communal dans quelle mesure la pénalité maternelle avait baissé après l’extension des subventions pour les crèches, explique Josef Zweimüller. "Le résultat nous a surpris. L’effet est presque nul, les mères n’ont pratiquement pas augmenté leur activité professionnelle. Et l’écart de revenu n’a diminué que de manière imperceptible", ajoute-t-il.
L’économiste zurichois parle d’un résultat frustrant: "Il y avait de grands espoirs que l’on puisse stimuler l’emploi des femmes avec des fonds publics pour les crèches. Cela ne s’est malheureusement pas confirmé. Nos recherches montrent que le problème est plus profond". La réponse à l’écart des revenus après la naissance du premier enfant entre les pères et les mères en Suisse s’explique par les stéréotypes de genre, selon le chercheur. "En Suisse, une mentalité traditionnelle et conservatrice continue de dominer en ce qui concerne la répartition des rôles des parents", explique-t-il.
Changer le rôle du père
Josef Zweimüller souligne que sa recherche n’est en aucun cas dirigée contre le subventionnement public des crèches. "De nombreux jeunes parents souffrent de stress et d’un budget serré: il peut donc être tout à fait judicieux d’aider financièrement ce groupe". En revanche, il en va autrement si l’État poursuit ainsi des objectifs de politique économique. "On ne peut pas imposer aux mères de travailler davantage en remerciement de places de crèche moins chères", poursuit-il.
"Il existe une multitude de raisons de promouvoir les crèches, mais tant que les modèles de rôles conservateurs prévalent dans la société, même une offre bien développée et bon marché n’améliorera que de manière minime les chances de carrière des mères. L’exemple de l’Autriche le montre clairement. Le levier le plus efficace serait donc d’agir directement sur les normes de genre. Cela signifie que nous devrions également discuter de l’image du rôle des pères", conclut l'économiste.
Sujet TV: Cecilia Mendoza
Adaptation web: Sarah Jelassi