L'impossible retour de deux Genevois emprisonnés au Maroc pour des faits de terrorisme
C'est un "non" cinglant de la part des autorités fédérales. Les deux Genevois incarcérés au Maroc, où ils purgent des peines de prison ferme pour des faits de terrorisme, ne pourront pas être transférés en Suisse, au grand dam des avocates et de la famille de ces deux hommes.
Le premier a demandé par deux fois son transfert en Suisse. Mais ses demandes se sont à chaque fois soldées par un refus. Idem pour le second dont la requête a été rejetée par l'Office fédéral de la justice le 27 février dernier.
Pour rappel, Nicolas et Kevin de leurs prénoms ont été condamnés il y a quatre ans par la justice marocaine pour leur lien avec les auteurs d'un meurtre à caractère djihadiste de deux touristes scandinaves en 2018 dans le Haut Atlas.
Pour justifier ces différents refus, l'autorité fédérale s'appuie à chaque fois sur un avis défavorable du Ministère public du canton de Genève. La justice suisse n’étant pas tenue de motiver sa décision, elle ne donne pas plus de détails.
De probables raisons sécuritaires
Mais les raisons qui se cachent derrière le refus de la justice suisse seraient d'ordre sécuritaire. C'est du moins ce qui ressort d'un rapport du Service de renseignement de la Confédération que la RTS a pu se procurer et qui concerne l'un des deux hommes emprisonnés au Maroc.
Le document révèle en effet que ce dernier pourrait représenter une "menace pour la sûreté intérieure de la Suisse", notamment à cause de ses contacts avec des voyageurs du djihad, autrement dit des jeunes hommes radicalisés dont certains ont combattu aux côtés du groupe Etat islamique en Syrie.
Refus choquants pour leurs avocates
Quoi qu'il en soit, la famille et les avocates des deux Genevois contestent très vigoureusement ces éléments. Elles déplorent par ailleurs les conditions de détention des deux hommes et qualifient d'arbitraire le procès qu'ils ont vécu.
Atteint de troubles psychiques et laissé sans soins adéquats, Kevin serait même, selon son avocate Me Miriam Mazou, très directement en danger. Les conditions de détention de son mandant au Maroc seraient déplorables. "Son cas nécessite un suivi psychiatrique intensif, au risque d’une dégradation rapide de son état et d’une issue fatale", insiste-t-elle dans Forum.
Avant de continuer: "On ne peut pas recourir contre cette décision. Par contre, on va essayer de comprendre plus précisément ses motifs et présenter une nouvelle demande de transfèrement."
Pour Me Saskia Ditisheim, une autre avocate qui a suivi les procès au Maroc, la Suisse n’assume pas son rôle de protection de ses deux ressortissants. Cela en raison, selon elle, d'une peur irrationnelle liée à la simple évocation du mot terrorisme, comme elle l'explique dans le 19h30. "Ces personnes se sont retrouvées dans un cauchemar horrible. Et on attendrait des autorités suisses qu'elles reconnaissent cette injustice et fassent tout leur possible pour les rapatrier."
Matthieu Lombard et Marc Menichini/fgn