L'indépendance financière des femmes en Suisse reste un enjeu d'actualité
Alors que les femmes peuvent ouvrir un compte en banque sans l'autorisation de leur mari depuis seulement 35 ans en Suisse, leur indépendance financière est aujourd'hui encore un enjeu. Collectifs, syndicats et manifestantes l'ont d'ailleurs rappelé lors de la journée de mobilisation du 8 mars.
"Mon mari m'expliquait qu'on pouvait mettre de l'argent pour le 3e pilier. Et moi je me disais "Ah oui, comme ça tu peux prendre ta retraite anticipée, on est tranquille". Et puis on signait tous les deux", raconte Anita Aparicio, mercredi dans le 19h30 de la RTS.
Pour sa fille Natalia, il est hors de question de dépendre d'une autre personne pour ses choix financiers: "En 2023, ça ne me viendrait pas à l'idée de confier à quelqu'un d'autre la gestion de mon argent. Après m’être séparée plusieurs fois, je trouve que c'est plus simple pour tout le monde d'avoir son propre compte", dit-elle.
Mais toutes les femmes ne sont pas aussi à l'aise que Natalia. "Jusqu'à 1988, les femmes étaient dépendantes des hommes, qui géraient les questions d'argent. Aujourd'hui, encore trop de femmes me disent qu'après leur divorce ou un licenciement, il faut désormais qu'elles s'en occupent", commente Anne-Sophie Tourrette, fondatrice de WomenInvest, une entreprise qui vise à soutenir les femmes dans leur indépendance financière et qui propose des ateliers leur permettant d'apprivoiser l'aspect financier.
Une stratégie commerciale pour les banques
Certaines banques ont saisi ces enjeux et ont, elles aussi, créé des programmes destinés aux femmes, qui offrent notamment des cours personnalisés et des stratégies individuelles. Les institutions bancaires voient dans ce segment de la clientèle un potentiel commercial.
"Les femmes détiennent à peu près la moitié du patrimoine mondial au niveau de la fortune, mais seulement 20% s'occupent elles-mêmes de leur gestion financière", note Annabelle Guitton, en charge du programme Women's Wealth Romandie à la banque UBS.
Selon la responsable, les femmes se distinguent des hommes dans leurs choix de placements, visant davantage des objectifs particuliers, tels que l'équité et le développement durable. Les rendements de leurs investissements sont aussi en moyenne supérieurs à ceux de leurs homologues masculins.
La question des finances, importante revendication
Le collectif national de la Grève féministe, qui a tenu ses assises samedi, a présenté un manifeste avec dix revendications pour la grève du 14 juin, martelées lors des nombreuses actions organisées en Suisse romande mercredi, à l'occasion de la journée internationale des droits des femmes (lire l'encadré). Parmi ces revendications, la refonte de l'AVS via un système à un seul pilier, le renforcement de la loi sur l’égalité, un congé parental d’au moins un an par personne et par enfant, des mesures systématiques de lutte contre les violences sexistes et sexuelles, ou encore le droit à l’avortement libre et gratuit.
>> Voir aussi le sujet de Forum qui revient sur ces revendications :
L'indépendance financière des femmes était aussi à l'ordre du jour de la mobilisation du 8 mars. L'antenne vaudoise du Syndicat suisse des services publics (SSP-Vaud) a profité de cette journée pour relancer sa campagne "#encolèretantquilfaudra". Les enseignantes et enseignants étaient invités à s'habiller en rouge pour dire stop aux inégalités dans les écoles et ailleurs. Cette action se répétera chaque mercredi au moins jusqu'au 14 juin. C'est dans l'enseignement primaire, où les femmes représentent 90% du corps enseignant, que les salaires sont les plus bas. Le travail à temps partiel reste en outre plus répandu chez les femmes, ce qui a un impact important non seulement sur le salaire, mais aussi sur les retraites.
Le syndicat Unia a soutenu pour sa part les actions dans les entreprises. "Les femmes sont prêtes pour la grève du 14 juin, car ces dernières années, les choses ont reculé pour ce qui est des salaires, des rentes et de la répartition du travail rémunéré et non rémunéré", ajoute encore Unia.
Une étude de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) montre que les revendications salariales des syndicats ne sont de loin pas dénuées de fondement. La Suisse a perdu six places en un an dans un classement international de l'égalité professionnelle et se retrouve au 20e rang des 33 pays évalués par l'OCDE.
dg/mg/iar avec l'ats
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Les Suissesses mobilisées pour leurs droits
Le mauve s'est à nouveau affiché dans les villes suisses ce 8 mars, malgré une météo maussade. En l'absence d'une manifestation nationale, différentes mobilisations décentralisées étaient organisées, notamment à Lausanne, Genève, Fribourg, Neuchâtel, Delémont ou encore Berne, St-Gall, Schaffhouse et Winterthour (ZH) côté alémanique.
Outre les stands et la distribution de tracts, des actions ont été mises sur pied au sein des entreprises, dans les métiers traditionnellement féminins - les soins, la vente, le nettoyage et l'horlogerie -, mais aussi dans les professions liées à la peinture et la plâtrerie, des domaines traditionnellement dominés par les hommes.
A Delémont, un "mur de la honte" a été symboliquement construit et détruit à 15h24, heure à partir de laquelle les femmes ne sont plus payées. A Bâle, des affrontements avec la police ont eu lieu lors d'une manifestation d'environ 150 personnes non autorisée. La police a fait usage de balles en caoutchouc. Les forces de l'ordre sont aussi intervenues à Winterthour en faisant usage de spray au poivre lors d'un rassemblement non autorisé d'environ 200 personnes.
"Répétition générale" de la grève du 14 juin
Pour la coordination romande de la Grève féministe, la journée a été l'occasion de protester contre les injustices, les inégalités et les discriminations, mais surtout de lancer "haut et fort l'appel à une nouvelle grande grève féministe le 14 juin", écrit l'organisation sur son site en ligne.
Cette date marque l’inscription de l'égalité femme-homme dans la Constitution en 1981, ainsi que les grandes grèves des femmes de 1991 et 2019, années où un demi-million de manifestantes sont descendues dans la rue en Suisse.
>> Voir le sujet du 19h30 sur la journée de mobilisation du 8 mars en Suisse :
