Le droit voisin permet aux éditeurs de réclamer des dédommagements aux plateformes comme Google ou Facebook pour l'utilisation de leurs contenus.
L'étude réalisée par le cabinet FehrAdvice sur mandat de l'association des éditeurs alémaniques Schweizer Medien (VSM) montre que les contenus des médias sont un facteur de succès pour Google. Le rapport porte sur l'analyse du comportement de 1573 internautes alémaniques et romands, âgés de 18 à 64 ans.
Selon les auteurs de l'étude, 86% de la population suisse se tourne en premier lieu vers cet outil pour chercher des informations. Et plus de la moitié des utilisateurs reste dans l'environnement de Google après une recherche, sans cliquer sur des sites de médias.
"Une défaillance du marché"
Toujours selon l'étude, l'intégration de contenus médiatiques dans Google accroît de 9% la probabilité de réutiliser ce portail pour une recherche successive.
La présence d'articles journalistiques améliore le taux de succès des recherches et entraîne une plus grande satisfaction vis-à-vis des résultats, affirment encore les auteurs. Un Google avec médias a obtenu un score de satisfaction de 4,1 sur 5 contre 3,9 sur 5 pour un moteur de recherche sans médias. La différence de valeurs financières des deux options serait de 16%, selon les auteurs, qui la qualifient de statistiquement significative.
Pour l'étude, Google ne redirige qu'une petite partie de ses visiteurs vers les sites des médias. Ainsi, les opportunités de commercialisation sont bien plus grandes pour le géant du web. "Nous y voyons une défaillance du marché qui nécessite une régulation. Google exploite son monopole", affirment les auteurs.
La "facture" pour Google
Le cabinet FehrAdvice, qui précise avoir été "accompagné scientifiquement" par l'EPFZ et l'Université de Zurich, a quantifié la valeur financière de la contribution des médias aux affaires de la multinationale. Jusqu'ici, les éditeurs ne s'étaient pas risqué à articuler un chiffre.
Le calcul est basé sur le chiffre d'affaires de 1 milliard de francs engrangé chaque année par Google en Suisse grâce à la publicité. Sur cette somme, 550 millions seraient réalisés grâce à des recherches d'informations, selon les auteurs, qui retiennent un montant de 385 millions (soit la part de 70% des recherches facilitées par des contenus journalistiques). Jugeant qu'une compensation à hauteur de 40% de cette dernière somme est équitable, ils évaluent à 154 millions la "facture" pour Google.
L'étude vient appuyer une revendication centrale des éditeurs, à savoir l'introduction en Suisse aussi d'un droit voisin, sur le modèle de la législation adoptée par l'Union européenne en 2019, et mise en pratique depuis dans plusieurs autres pays dont la France et l'Allemagne.
"Nécessaire et urgent"
Le Conseil fédéral, qui a reconnu que les prestations journalistiques doivent être mieux protégées, devrait mettre un projet en consultation prochainement.
Le sujet semble avoir un soutien assez large. Lors de la traditionnelle réunion de l'Epiphanie du VSM en janvier dernier à Zurich, le président du PLR Thierry Burkart, qui rejette toute idée d'aide directe aux médias, a plaidé en faveur de l'introduction d'un droit voisin, estimant que le projet avait des chances au niveau politique.
ats/hkr
Google conteste les conclusions de l'enquête
Contacté vendredi par Keystone-ATS, Google relève que les conclusions du cabinet FehrAdvice sont en contradiction avec de précédentes études, par exemple celle réalisée par l'entreprise Sistrix. Celle-ci a affirmé que les contenus journalistiques ne jouent "pratiquement pas de rôle" pour le moteur de recherche.
Ce dernier souligne par ailleurs la collaboration étroite entretenue ces dernières années avec les groupes de presse afin de soutenir le journalisme de qualité en Suisse. L'entreprise affirme par ailleurs avoir versé entre 2018 et 2020 quelque 59 millions de dollars de revenus publicitaires aux cinq plus gros éditeurs en Suisse.
Google relève enfin son rôle dans le développement du trafic des médias en ligne en Suisse, une portée supplémentaire qu'il chiffre à 8 milliards de clics par mois. Ce qui assure des revenus supplémentaires aux médias, pointe Google, qui "interviendra en temps voulu" dans le débat sur le droit voisin.