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Quatre ans de gymnase ne garantissent pas une meilleure réussite à l'université

Une classe d'élèves dans le gymnase de Chamblandes (VD). [KEYSTONE - Laurent Gillieron]
Le Conseil fédéral souhaite imposer un gymnase en 4 ans aux cantons / La Matinale / 4 min. / le 27 mars 2023
Le gymnase en quatre ans au moins, partout en Suisse, d’ici 2034: c’est ce que le Conseil fédéral souhaite imposer aux cantons, malgré certaines réticences. L'un des buts avoués de cette réforme est d'assurer à tous les étudiants et étudiantes des débuts réussis dans une Haute école, indépendamment de leur canton d’origine.

Aujourd'hui, les étudiants et étudiantes au gymnase y restent entre trois et cinq ans, selon le canton. Passer à quatre ans partout au moins impliquera une prolongation du cursus dans les cantons de Vaud, du Jura, de Neuchâtel et de la partie francophone de Berne, qui ont déjà manifesté des réserves.

Il faut en effet former davantage d'enseignants et enseignantes, dans un contexte de pénurie, et construire de nouvelles infrastructures, ce qui est compliqué et coûteux, et ce, pour des bénéfices incertains. Une interpellation vient d'ailleurs d'être déposée à Berne par le conseiller aux Etats neuchâtelois Philippe Bauer, qui dénonce une ingérence de la Confédération et une violation de l'autonomie cantonale.

Selon le sénateur PLR, "la grande question qui se pose, c'est que chaque canton a un système de formation. Ce système de formation est naturellement évalué au moment de l'obtention des maturités. Et on constate que les cantons comme le canton de Neuchâtel qui ont un gymnase de trois ans ne sont pas à la traîne dans tous les classements".

Aucun effet sur l'égalité des chances?

Cette harmonisation changerait-elle donc vraiment quelque chose en termes d'égalité des chances pour les étudiants et étudiantes? Est-ce que leur réussite dépend vraiment de leur nombre d'années d'études au gymnase?

Les statistiques que la RTS a obtenu des hautes écoles tordent le cou à une idée reçue bien romande, qui voudrait que les gymnasiens neuchâtelois ou vaudois soient à la traîne à l'université en comparaison avec des Valaisans ou des Genevois, mieux armés.

Or, ce mythe ne se vérifie pas dans les chiffres: l'Université de Lausanne montre que depuis 10 ans, le taux de réussite en première année de Bachelor des Vaudois est identique à la moyenne des autres cantons, soit de 65%.

A l'EPFL, entre 2016 et 2019, ce sont même les maturistes jurassiens - et leurs trois ans de lycée - qui s'en sortent le mieux, avec 74% de réussite, alors que les Genevois ferment la marche avec 51% de réussite.

D'autres variables plus importantes

Le constat de Pierre Dillenbourg, vice-président associé pour l'éducation à l'EPFL, est sans appel: "Nos statistiques montrent que trois ou quatre ans de maturité ne changent pas énormément les résultats. Ce qui change beaucoup, c'est les options prises durant la maturité. Les étudiants qui ont pris physique-applications des maths réussissent mieux. C'est vraiment le niveau de mathématiques, maths renforcés versus maths standards, qui influence la réussite à l'EPFL."

Et puis, il y a aussi des variables qui échappent à ces chiffres bruts.

"Il y a toute la dynamique avant de décider de venir à l'EPFL. Pour un étudiant qui vient du fin fond du Jura, c'est un choix majeur de s'éloigner de son canton, de sa famille. Alors que pour l'étudiant vaudois, c'est un choix moins difficile. Il y a une espèce de biais d'auto-sélection. Je crois qu'il faut arrêter de dire 'les Vaudois', 'les Valaisans', 'les Genevois'. Il faut vraiment regarder le parcours individuel", défend Pierre Dillenbourg.

Le problème des redoublements au gymnase

Mais il faut cependant nuancer ce constat et regarder combien de jeunes réussissent effectivement leur maturité en trois ans seulement, sans redoubler. Ils sont deux tiers dans les cantons de Vaud et Neuchâtel, alors qu'il y a moins de redoublement en Valais par exemple, où le collège dure cinq ans.

Les Hautes écoles voient donc plutôt d'un bon oeil cette harmonisation, explique Pierre Dillenbourg. "La connaissance en général a fortement augmenté. On peut essayer de tout forcer à entrer dans un programme en trois ans, mais à un moment donné, on ne fera que du superficiel.  Si on veut aller en profondeur, ce qui compte pour l'EPFL, autant prendre le temps de le faire".

"Si ces étudiants passent une année de plus au gymnase mais ne perdent pas une année à recommencer la première année de l'EPFL parce qu'ils sont moins bien préparés, pour finir, ils n'auront pas perdu un seul mois dans leur scolarité", conclut-il.

Eviter de redoubler à l'université est d'ailleurs aussi une question d'économies: un étudiant en médecine dentaire, par exemple, coûte 50'000 francs par an.

Sujet radio: Julie Rausis

Adaptation web: Julien Furrer

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