Les consommations de substances psychoactives chez les 11-15 ans sont le plus souvent expérimentales ou sporadiques, souligne Addiction Suisse. Mais les usages fréquents et les mélanges de produits impliquant des médicaments se retrouvent chez une minorité non négligeable de cette classe d'âge.
Cette étude nationale représentative multi-thèmes, intitulée Health Behaviour in School-aged Children (HBSC), est réalisée sur mandat de l'Office fédéral de la santé publique.
Sa 10e édition indique qu'en 2022, les consommations de substances psychoactives ont augmenté rapidement entre 11 et 15 ans. Les écolières et écoliers de 15 ans sont très minoritaires à n’en avoir consommé aucune dans leur vie. La consommation d’alcool chez les 11 à 15 ans et de cannabis illégal chez les 14 et 15 ans est restée par ailleurs assez stable par rapport à 2018 mais à un niveau élevé, souligne Addiction Suisse.
Un écart qui se réduit entre les sexes
Dans le détail, environ 19% des 11 à 15 ans ont consommé de l’alcool au moins une fois dans les 30 derniers jours. Addiction Suisse observe une forte augmentation d'un groupe d'âge à l'autre: près de 5% des 11 ans, 17% des 13 ans et 43% des 15 ans ont bu de l'alcool dans les 30 derniers jours. Si cette prévalence est plus élevée chez les garçons que chez les filles pour les 11, 12 et 13 ans, l'écart s'estompe chez les 14 et 15 ans.
Par rapport à 2018, il y a une hausse chez les garçons et les filles de 13 ans et une légère augmentation chez celles de 15 ans, alors que chez les garçons de cet âge, une baisse est constatée. Les filles de 15 ans rattrapent ainsi les garçons. D'une manière générale pour tous les produits, les écarts tendent à se réduire.
La bière est la boisson alcoolique la plus consommée par les garçons de 15 ans, alors qu’il n'y a pas de hiérarchie entre la bière, les spiritueux/liqueurs et les alcopops chez les filles. Le vin est la boisson alcoolique la moins consommée, tous sexes confondus.
"Epidémie" de nicotine" dans les écoles
Chez les 14 et 15 ans, on observe de fortes hausses pour la consommation de produits du tabac et/ou de la nicotine, excepté la cigarette conventionnelle. Celle-ci se fume cependant toujours plus tôt. Si sa consommation sporadique - au moins une fois dans les 30 derniers jours - à 15 ans est stable, à quelque 16%, elle a pratiquement doublé à 13 ans (6%).
"On observe ce qu'on craignait beaucoup, que les nouvelles formes de consommation de nicotine (e-cigarette, snus, tabac à chauffer) ne viennent pas remplacer le tabac traditionnel mais s'y additionnent", s'inquiète le directeur de la fondation, Grégoire Vittoz, dans le 12h30 de la RTS. "Donc on a une espèce d'épidémie de nicotine qui se développe dans les écoles".
Quant à la consommation fréquente de cigarettes conventionnelles à 15 ans, elle est de 6%, moins de 3% en consommant quotidiennement à cet âge. Pour la cigarette électronique, ces chiffres sont respectivement de 7% et 2%. Mais près d'un écolier de 15 ans sur quatre en a consommé sporadiquement, une proportion en forte hausse selon l'étude d'Addiction Suisse. Les ados de 15 ans qui ont essayé au moins une fois l'e-cigarette invoquent la curiosité pour 92%, l'aide à la réduction (15%) ou à l'arrêt (11%) du tabagisme.
L'accès à l’alcool et à la cigarette conventionnelle est toujours plus aisé malgré les interdictions de vente aux mineurs, constate encore Addiction Suisse. Plus d'un écolier de 15 ans sur cinq a au moins acheté une fois de l'alcool lui-même dans un commerce, et près d'un sur deux des cigarettes conventionnelles, des chiffres stables sur quatre ans.
La publicité clairement pointée du doigt
Et pour Grégoire Vittoz, cette situation est principalement liée à la publicité. "Il y a des marketings très actifs autour de ces produits", constate-t-il en soulignant que la publicité fonctionne, "contrairement à ce qu'on a essayé de nous faire croire pendant la campagne sur l'initiative Enfants sans tabac".
"Les fabricants ne restent pas les bras croisés, ils ont envie de développer leur marché, ils ont envie de gagner de nouveaux consommateurs parmi les jeunes et c'est là ce que ça se joue", ajoute le directeur d'Addiction Suisse. "Et c'est face à cette offensive marketing qu'on doit être extrêmement vigilants".
De dangereux mélanges entre substances
Les médicaments psychoactifs, eux, sont parfois détournés de leur indication médicale à des fins de recherche d’expérience psychotrope. Et les mélanges avec d’autres substances peuvent alors s’avérer très dangereux, avertit encore Addiction Suisse. En 2022, comme en 2018, quelque 4% des 14 et 15 ans ont pris au moins une fois dans leur vie un médicament dans l’intention de "se droguer", sans que l’on sache de quel type de médicament il s’est agi. Moins de 1% ont consommé des anabolisants au moins une fois dans leur vie.
La consommation du cannabis de manière sporadique reste stable, à quelque 8% des 14-15 ans. Près de 2,6% des garçons (en baisse par rapport à 2018) et 2% des filles en fument fréquemment, la consommation quotidienne étant quasi inexistante à cet âge-là, précise Addiction Suisse.
Il se trouve également des adolescents de 15 ans qui disent avoir déjà consommé au moins une fois dans leur vie d'autres drogues illégales. Ils étaient quelque 5% l'an dernier à citer la cocaïne, l'ecstasy l'héroïne, le LSD et autres drogues de synthèse, ainsi que les champignons hallucinogènes.
ats/oang
Près de 10'000 ados interrogés
Pour son enquête, Addiction Suisse a interrogé, entre mars et juin 2022, 74,2% des 857 classes de 5e à 9e années (7e à 11e années HarmoS) sélectionnées au hasard. Au total, cela représente 9345 élèves de 11 à 15 ans.
L’étude HBSC est réalisée tous les quatre ans sous l'égide de l'Organisation mondiale de la santé. Actuellement, plus de 50 pays y participent.
Pour des raisons éthiques, la plupart des questions dédiées à la consommation de substances psychoactives (excepté la consommation d’alcool, de la cigarette conventionnelle et l’utilisation de l’e-cigarette) ont été posées uniquement aux 14 et 15 ans.
La participation était volontaire et les réponses strictement confidentielles, précise encore Addiction Suisse.