Priver quelqu’un de sa liberté, même provisoirement, est une mesure lourde inscrite dans le Code civil sous le terme de "placement à des fins d’assistance".
Cette disposition doit être prononcée - mais seulement en tout dernier recours - si la personne présente un danger pour elle-même ou pour ses proches, et s'il n'existe pas d'alternative pour lui fournir une autre assistance.
Une mesure qui suscite de nombreuses critiques
Trois motifs justifient un placement forcé: les troubles psychiques, une déficience mentale ou un état grave d’abandon.
Seuls les médecins ou l’autorité de protection, comme la justice de Paix, sont habilités à prononcer cette mesure. L’internement peut durer de quelques jours à plusieurs mois.
Cette pratique existant de longue date a été redéfinie il y a 10 ans, mais son utilité soulève régulièrement la polémique.
Fin 2022, la Fondation Pro Mente Sana, en charge de défendre les droits des personnes souffrant de troubles psychiques, a relancé le débat. Elle estime que le nombre de placements forcés doit être drastiquement réduit.
Si on refusait le traitement, (...) la sécurité nous plaquait au sol.
Aujourd'hui, Caroline* a une quarantaine d'années. Elle vit à Genève, est mère de famille et doctorante à l’Université. Mardi dans La Matinale
de la RTS, elle témoigne d'une jeunesse malmenée.
Entre 14 et 26 ans, elle a été internée une quinzaine de fois pendant des mois entiers pour tentatives de suicide, automutilations et en raison de ses nombreuses fugues.
Selon elle, les institutions dans lesquelles elle était internée ne prodiguaient pas de soins, à proprement parler. Le plus clair de son temps, elle le passait enfermée dans une chambre, "sans activité, à compter les trous au plafond."
Elle affirme ne pas avoir été mise au courant des possibilités de recours: "Si on refusait de suivre le traitement, c'était de toute façon une médication forcée, la sécurité arrivait et nous plaquait au sol."
Parfois, elle était attachée au lit. "Je le ressentais comme une volonté de nous dompter, de nous réduire au silence, en tous les cas de nous obliger à être d'accord avec ce que l'on nous imposait," explique Caroline.
Du diagnostic à la liberté, jusqu'à la reconstruction
Caroline* a été diagnostiquée borderline, plus tard hyperactive, et enfin de Haut potentiel intellectuel (HPI). "On était très content de m'offrir ce dernier diagnostic (...). En même temps, cela n'a pas changé les 10 ans de ma vie que l'on m'a volés", déplore Caroline*.
Finalement, une juge lui fait confiance et s'oppose à un énième placement. La jeune femme en profite pour reprendre des études. "Je me suis dit: il faut que j'acquière un statut afin que ma parole ne puisse plus être décrédibilisée." Elle décide donc de faire une thèse universitaire sur l'expérience des mineurs privés de liberté.
Les traitements sont terminés depuis longtemps, mais ce passé pèse encore lourdement: "Un dossier médical, c'est pire qu'un casier judiciaire, c'est à vie, c'est à perpétuité. La médecine interprète le moindre problème somatique en fonction du dossier psychiatrique."
Aujourd'hui, Caroline* a perdu confiance dans les institutions et dans les médecins psychiatres: "Mais la crainte de se retrouver à nouveau confrontée à ces institutions sera là jusqu'à la fin. (...) Je garde en moi un sentiment d'injustice, une impuissance complète et des traumatismes qui perdurent longtemps après," conclut Caroline.
>> Lire aussi : Hausse des mesures contraignantes imposées aux patients psychiatriques en Suisse
Sujet radio: Martine Clerc
Adaptation web: Miroslav Mares
*prénom fictif
"Il y a toujours la volonté de protéger," affirme Stéphane Morandi
Contrairement au reste de la Suisse, les chiffres des placements forcés en institutions psychiatriques dans le canton de Vaud sont en légère baisse.
Selon Stéphane Morandi, psychiatre au CHUV et médecin cantonal adjoint, les placements forcés en hôpital psychiatrique ne s'appliquent qu'en dernier recours, à condition qu'ils respectent le cadre légal: "Je ne connais pas de confrère ou de consoeur qui applique la contrainte pour nuire, il y a toujours la volonté de protéger la personne."
Selon le médecin, on ne doit pas oublier la souffrance psychique vécue par certains patients et patientes. Ceci en fonction des pathologies et des symptômes. "Par exemple, certaines personnes peuvent subir des hallucinations auditives qui les critiquent ou les menacent à longueur de journée, cela peut être difficile à vivre", illustre-t-il.
Trouver de l'aide
...sur internet:
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Pour la promotion de la santé mentale dans les cantons latins: santépsy.ch
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Pour les enfants et les personnes adolescentes: ciao.ch
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Pour les 18-25 ans: ontécoute.ch
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Pour la prévention du suicide des jeunes: stopsuicide.ch
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Le Groupe Romand de Prévention du Suicide: preventionsuicide-romandie.ch
...par téléphone:
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147: Pro Juventute – Ecoute et conseils pour les jeunes
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143: La Main Tendue – Ecoute et conseils pour les adultes
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144: Ambulances – Urgences
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117: Police – Urgences