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Elisabeth Baume-Schneider: la migration pour "répondre aux défis de la société"

L'invitée de La Matinale (vidéo) - Élisabeth Baume-Schneider, conseillère fédérale en charge de la justice et de la police
L'invitée de La Matinale (vidéo) - Élisabeth Baume-Schneider, conseillère fédérale en charge de la justice et de la police / L'invité-e de La Matinale (en vidéo) / 12 min. / le 28 mars 2023
Après presque cent jours au Conseil fédéral, Elisabeth Baume-Schneider revient mardi sur les grands axes de son département dans La Matinale de la RTS. La socialiste n'élude pas la question de l'asile, mais voit dans la migration en général une manière de garantir la prospérité de la Suisse.

Dans son discours lundi à Zurich, à l'occasion de ses cent jours au Conseil fédéral, Elisabeth Baume-Schneider a mis l'accent sur des questions de société comme la lutte contre la violence domestique, la protection des personnes non binaires ou celle des familles arc-en-ciel.

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Les questions liées à la migration sont le fil conducteur de mon département.

Elisabeth Baume-Schneider

Mais ce focus sur diverses minorités n'exclut pas des préoccupations plus larges, assure la nouvelle cheffe du Département fédéral de justice et police (DFJP) mardi dans La Matinale de la RTS.

"Je crois que chaque personne a sa place et compte au niveau de la dignité", dit-elle. "Si j'axe sur ces éléments-là, c'est aussi parce que ma prédécesseure avait lancé des programmes en matière de lutte contre les violences intrafamiliales ou simplement la violence", précise encore la Jurassienne.

"Et toutes les questions liées à la migration sont vraiment le fil conducteur de mon département", poursuit Elisabeth Baume-Schneider. "La vie, c'est les migrations et toutes les personnes qui vivent des vulnérabilités".

La migration, justement, revient parmi les principales préoccupations de la population suisse selon le baromètre SSR en vue des élections fédérales 2023.

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La socialiste ne sent pas de retournement de la population suisse sur cette thématique, mais souligne la nécessité d'expliquer ce qui fonctionne bien et ce qui est plus fragile. "Il s'agit de ne pas se laisser emporter par l'anxiété ou la peur, sur quoi certains partis jouent", glisse-t-elle.

Et "il y a un formidable élan de solidarité par rapport à l'accueil des Ukrainiennes et des Ukrainiens", se réjouit la conseillère fédérale en rappelant que de nombreuses personnes s'engagent aussi pour l'accueil des mineurs non accompagnés.

Le cas préoccupant du centre d'accueil de Boudry

Reste que la situation semble moins rose, par exemple, quand on se penche sur le cas du centre fédéral pour requérants d'asile de Boudry (NE) et les incivilités répétées qui pourrissent le climat dans la commune et en ville de Neuchâtel.

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Elisabeth Baume-Schneider a insisté lundi à Zurich sur la protection des minorités. Mais que fait-on de la protection des voisins de ces centres? "Elle est essentielle également", assure-t-elle. "Je ne décris pas du tout la réalité en rose, au contraire, je la décris de manière pragmatique".

Il faut avoir un accueil exigeant, de l'intégration en parallèle, et répondre aux inquiétudes de la population.

Elisabeth Baume-Schneider

La cheffe du DFJP rappelle que c'est la densité de requérants qui a rendu la situation plus délicate en matière de cohabitation à Boudry. Elle reconnaît cependant qu'il s'agit d’être plus pragmatique au niveau de la sécurité et plus présent au niveau des programmes d'intégration.

"Et là, je ne suis pas dans la mièvrerie", précise la Jurassienne. "Il faut véritablement avoir un accueil exigeant, de l'intégration en parallèle, et répondre aux inquiétudes de la population".

Mais il ne faut pas non plus dépeindre la situation en noir, poursuit-elle. "Je crois que beaucoup de personnes souhaitent que Boudry continue à jouer son rôle du point de vue de l'accueil, mais avec le soutien de la Confédération." Et pour cela, les moyens financiers peuvent peut-être encore être augmentés, glisse la socialiste qui compte se rendre sur place en avril.

Maintien d'une forte pression en matière d'asile

Depuis 2016, la Suisse et l'Europe n'avaient plus enregistré autant de demandes d'asile que l'an dernier. Et la situation ne sera pas meilleure dans les prochains mois, a averti Elisabeth Baume-Schneider lundi. Il faut donc prévoir des solutions d'accueil supplémentaires.

"Le Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) discute avec l'armée, avec différentes communes, pour voir où on pourrait avoir des accueils", précise-t-elle. Ce pourrait être éventuellement des villages de containers comme il en existe déjà à Berne mais pas des tentes", assure la cheffe du DFJP.

"Très concrètement", poursuit-elle, "on essaie d'anticiper parce qu'il n'est de loin pas exclu qu'avec l'été les mouvements migratoires deviennent de nouveau plus importants et qu'on doive trouver des solutions qui ne soient pas des solutions d'urgence".

Je ne sais pas comment on ferait fonctionner nos hôpitaux sans solde migratoire.

Elisabeth Baume-Schneider

Globalement, le solde migratoire positif revient à des hauteurs telles qu'on les a connues il y a dix ans en Suisse, avec plus de 80'000 personnes en 2022.

A ce propos, "il y a un devoir d'explication", relève Elisabeth Baume-Schneider. Ce solde migratoire élevé doit être corrélé avec un taux de chômage extrêmement bas, avec la prospérité de la Suisse. "Je ne sais pas très bien comment on ferait fonctionner nos hôpitaux, de nombreuses institutions dites systémiques, si on n'avait pas de solde migratoire", rappelle-t-elle. "Il faut répondre aux défis de la société, il y a un manque de main d'oeuvre avéré".

Décorréler migration en général et asile

Et il faut décorréler la migration en général de la situation de l'asile, ajoute encore la conseillère fédérale. "Je crois qu'on mélange parfois assez volontiers ces chiffres pour créer un sentiment d'agacement, d'énervement", face aux migrants.

"Cela nécessite de rendre compte et d'expliquer, pour que les personnes puissent se positionner en toute connaissance de cause", ajoute Elisabeth Baume-Schneider. "Et ça, j'aime le faire et j'essaie de le faire le mieux possible".

Propos recueillis par David Berger/oang

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