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La Croatie considérée comme fiable pour le renvoi de migrants, au grand dam des ONG

Appréhendés à la frontière croate, des centaines de migrants qui demandent l’asile en Suisse risquent d’être expulsés. Témoignages
Appréhendés à la frontière croate, des centaines de migrants qui demandent l’asile en Suisse risquent d’être expulsés. Témoignages / 19h30 / 3 min. / le 1 avril 2023
Des centaines de manifestants et manifestantes ont défilé samedi après-midi à Lausanne, exigeant l'arrêt du renvoi des personnes en situation de migration vers la Croatie. Le pays est accusé de violences policières envers les requérants d'asile.

Félix* a fui la persécution politique au Burundi. Désormais en Suisse, ce demandeur d'asile risque d'être renvoyé en Croatie, le premier territoire de l'Union européenne qu'il a foulé. Or, en automne dernier, les forces de l'ordre croates ont tiré des coups de feu dans sa direction alors qu'il venait de traverser la frontière, sans le toucher, témoigne-t-il.

A la rencontre des policiers, il explique s'être fait frapper à coups de crosse de fusil. Emmené ensuite dans une cellule, il raconte que son argent lui a été volé et qu'il a subi de nouvelles violences et des insultes racistes. Il a été relâché une dizaine d'heures plus tard, blessé, et en possession d'un document lui demandant de "quitter le territoire croate" dans un délai de sept jours.

Formulaires d'expulsion

Comme Félix, des milliers de migrants ont reçu en 2022 un formulaire d'expulsion des policiers croates, sans avoir pu auparavant demander l'asile. Les organisations non gouvernementales dénoncent un traitement illégal.

Milena Zajovic, activiste croate des droits humains, a détaillé dans le 19h30 de la RTS la procédure qui devrait être appliquée. Après une arrestation, toute personne est transférée dans un "centre de réception des demandeurs d'asile", où elle est soumise à une série d'entretiens. La procédure prend près d'une année en Croatie avant une décision, ou non, de renvoi. Cela n'est donc "pas du ressort du policier sur le terrain", précise la spécialiste.

La Croatie, un Etat sûr?

Les autorités croates, contactées par la RTS, nient toute infraction. Selon l'Ambassade de la République de Croatie en Suisse, "tout ressortissant d'Etat tiers qui reste illégalement et qui ne demande pas la protection internationale, reçoit, selon la règle, une décision de retour".

De plus, le Tribunal administratif fédéral (TAF) a estimé dans un arrêt publié vendredi que les requérants transférés vers la Croatie en vertu du règlement Dublin III ont accès à une procédure d'asile dans ce pays. La pratique des renvois forcés à la frontière n'est pas jugée déterminante à cet égard, bien qu'elle soit reconnue par l'instance judiciaire helvétique.

Le Secrétariat d'Etat aux migrations estime de son côté qu'"aucun indice de faiblesses systémiques dans le système d'asile et d'accueil croate n'a pu être constaté à ce jour". Comme le pays est toujours considéré comme un Etat sûr, "une suspension des transferts vers la Croatie n'est donc pas indiquée à l’heure actuelle".

Position du TAF contestée

L'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) conteste vigoureusement la position du TAF selon laquelle il ne faut pas "a priori partir du principe que les personnes retournant en Croatie dans le cadre de Dublin sont exposées au même danger que celles qui tentent d'entrer ou de traverser le pays pour la première fois".

Cette appréciation contredit fondamentalement les conclusions de l'OSAR et d'autres ONG, a écrit l'organisation vendredi dans un communiqué. Il existe de nombreux rapports expliquant comment des expulsions illégales sont effectuées, même pour des individus déjà en procédure d'asile.

*nom d'emprunt

Sujet TV: Laurent Burkhalter/Philippe Fivet

Adaptation web: Mérande Gutfreund avec ats

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