La population romande est-elle plus angoissée que sa voisine alémanique? En 2021, la consommation de benzodiazépines par habitant était en effet deux fois plus élevée de ce côté-ci de la Sarine.
Sous le nom de Xanax, Temesta ou Dormicum, ces molécules sont généralement prescrites pour lutter contre les troubles anxieux et les insomnies. Selon les chiffres du nouvel Atlas de l'Obsan, seul le Tessin devançait les cantons romands en ce qui concerne ces prescriptions.
Faut-il y voir une épidémie d'anxiété qui frappe spécifiquement les régions francophones? Probablement pas. Joachim Marti, professeur en économie de la santé à l'Université de Lausanne, s'en explique mardi dans le 19h30: "Il y a toujours des variations dans les systèmes de santé, mais ici on peut dire qu'il y a un problème."
Consommation problématique
Avec un tel écart, l'explication est plutôt à chercher du côté des prescriptions et des habitudes de traitements. Et le problème, c'est que "les benzodiazépines devraient être envisagés uniquement pour des traitements à très court terme. Très vite, les risques, de dépendance notamment, surpassent les bénéfices."
Philippe Otten, vice-président de la société fribourgeoise de médecine, relativise l'importance de ces chiffres: "On ne sait pas si les benzodiazépines ont été prescrits contre l'anxiété ou l'insomnie, ni qui les a prescrits. On ne sait pas quels médicaments de substitution pourraient être utilisés. (…) Sans détails, ces statistiques ne nous disent rien de la consommation et de la dépendance des latins."
Des médicaments controversés
Néanmoins, l’utilisation de ces produits suscite des interrogations à large échelle. Aux Etats-Unis, ils défrayent régulièrement la chronique dans la foulée de la crise des opioïdes. En Grande-Bretagne, ils ont donné lieu à plusieurs poursuites pour des prescriptions qualifiées d'excessives.
Joachim Marti rappelle encore que face aux anxiolytiques, les Pays-Bas ont adopté "une approche très radicale": ces médicaments ne sont plus remboursés. Selon lui, le problème pourrait toutefois être abordé moins brutalement. Il conviendrait par exemple de savoir si les thérapies comportementales, basées sur des soins non médicamenteux, sont suffisamment disponibles.
En l’état, "il est difficile d’en déterminer la cause mais il y a clairement un souci" dans les prescriptions en Suisse. Un souci qui a coûté 12,6 millions de francs à l'assurance-maladie dans les cantons romands en 2021. Même si le montant est en baisse, l'écart avec le reste du pays perdure.
"Il conviendrait de vérifier plus systématiquement que ces médicaments répondent réellement aux besoins des patients", affirme donc le professeur lausannois. Autrement dit, si les Romands consomment trop d’anxiolytiques, il n’est pas certain que ce soit uniquement de leur fait. Les pratiques du corps médical elles-mêmes mériteraient une auscultation.
Tybalt Félix